Journée internationale de Spoutnik, autour de la planète et sur le net

par Marie Lechner
publié le 3 octobre 2007 à 13h28
(mis à jour le 3 octobre 2007 à 13h29)

«Spoutnik, grâce à toi, nous avons la chance d'avoir Internet, les systèmes de géolocalisation et le circuit intégré» , célèbre avec ironie le Sputnik Manifest voué à «cette icône de la globalisation» . A l'occasion des 50 ans du lancement du premier satellite artificiel par les Soviétiques ( Libération du 29/09/2007 ), un happening planétaire mêlant art, science et nouvelles technos, l' International Sputnik Day , lui est dédié, initié par Francis Hunger, artiste et curateur basé à Dortmund.

«L'objectif de cet événement est de sensibiliser le public à l'une de ces nombreuses technologies, pour la plupart « invisibles » à l'oeil humain, qui ont contribué à façonner l'environnement social et économique dans lequel nous vivons, appelé capitalisme» , note l'artiste allemand. «J'ai proposé cette idée à plusieurs amis qui ont réagi avec

enthousiasme, d'où cet événement participatif, ouvert à tous , dit le coordinateur. Chaque participant est libre de proposer ce qu'il veut. Ma propre contribution prend la forme d' un manifeste et d'une publication, la Sputnik Gazette. L'International Sputnik Day est également une oeuvre conceptuelle qui emploie quelques concepts clés du néo-libéralisme: la coopération en réseau, l'attention économique, la responsabilité individuelle...»

Tout autour du globe, on se relaie pour questionner cette boule de 83 kg, équipée d’un émetteur radio dont le fameux bip bip a fait le tour du monde. Si elle a déchaîné les

imaginaires, elle a surtout enclenché la folle «course aux étoiles» avec les Etats-Unis et précipité le développement des technologies actuelles. Les festivités débuteront très tôt demain matin, à 3 heures 33 minutes et 33 secondes exactement, par le Sputtnikk Oppera diffusé en direct sur internet depuis Ljubljana . Cet opéra de trois minutes et trente trois secondes proposé par les artistes slovènes Igor Stromajer et Brane Zorman, sera entonné en live par la voix d'un logiciel de synthèse vocale, au délicieux accent russe. Le libretto est un fragment d'un document secret datant de 1956: un plan technique détaillé d' «Object D» , le premier projet de satellite russe.

Retransmise également en direct sur le net, entre 19h et 20h demain soir, l'artiste Franck Ancel accompagné par Joachim Montessuis à la création sonore animera une conférence performance sur l'histoire de l'art, de la conquête des airs au spatial. «Du peintre Odilon Redon au scénographe Jacques Polieri avec son projet de salle de spectacle satellitaire en 1967, en passant par Tatline ou Fontana, le ciel touche l'imaginaire et le cosmos devient visionnaire pour les artistes» , écrit Ancel. La performance est diffusée depuis le site de la grande soufflerie de Meudon, patrimoine de l' Onera , le centre français de recherche aérospatiale sous tutelle du Ministère de la défense.

«Le Spoutnik en lui-même n'est ni bon ni mauvais. Mais ce qu'il a entraîné est discutable» , estime Ewen Chardronnet qui anime trois jours de performances, films et conférences à Porto avec les musiciens de Mecanosphere. L'artiste est un familier de l'art spatial, il a participé à un vol parabolique en apesanteur à la Cité des étoiles et à plusieurs Yuri's night, en hommage au premier homme dans l'espace. Il a également fricoté avec l' Association des Astronautes Autonomes , collectif fantôme dont le mot d'ordre est «l'exploration spatiale pour tous» , afin que l'espace ne soit plus le monopole de la Nasa et des agences gouvernementale. L'artiste constate que le romantisme lié à la conquête spatiale sert «surtout à nous faire avaler le maillage orbital du contrôle et de la communication et à faire la promotion de l'industrie lourde.» A l'occasion du Sputnik Day, il donne à la Fondation de Serralves, une performance sonore et visuelle évoquant «cinquante ans de façonnage des corps et des esprits par l'usage des technologies orbitales» , mix d'images en temps réel de la télévision satellite numérique, archives de l'histoire spatiale, communications radios historiques, textes d'agences spatiales et de poètes comme le futuriste russe Velimir Khlebnikov. «Peut-être que la rupture épistémologique et culturelle incarnée par le lancement du Spoutnik n'était pas tant un accès à l'espace interstellaire qu' un profond remodelage du temps et de l'espace sur Terre» , émet l'artiste. Au lieu de nous propulser vers le cosmos, le satellite géostationnaire nous aurait replié sur nous-mêmes, en boucle sur notre espace intérieur. «Les essaims de satellites forment une barrière orbitale et une sorte de miroir inversé de la surface de la Terre. La Terre est devenue une capsule qui se duplique elle-même de façon exponentielle à travers ses propres transmissions, communications et surveillance.»

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