La liberté d'expression passe avant la loi Informatique et Libertés

par Astrid GIRARDEAU
publié le 16 octobre 2009 à 11h45
(mis à jour le 16 octobre 2009 à 11h58)

Pour avoir publié sur son site un article faisait état d'une éventuelle liaison entre Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée, et l'une ses anciennes relations professionnelles, Jean-Hervé C. a été condamné à verser un euro de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée de cette dernière. Dans une ordonnance de référé du 12 octobre , le Tribunal de grande instance de Paris a en effet fait primer la liberté de la presse sur la protection des données personnelles, comme décrite dans la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, rapporte le site Legalis .

Devant le juge, l'auteur a expliqué avoir créé ce site Internet personnel (jhc.monsite.wanadoo.fr) pour «dénoncer le Système vendéen» et le pouvoir «féodal» de Philippe de Villiers qu'il qualifie, entre autres, de «Le Pen soft». Dans un article intitulé Exception vendéenne , il écrit : «Philippe de V., ce catho-traditionaliste, défendeur des valeurs de la famille n'a pas eu de scrupule en vivant un amour passionné avec Mme X (...). Liaison interrompue par la rumeur qui gonflait et faisait jaser de plus en plus dans son fief Mme X a évoqué cette liaison dans un roman autobiographique "XXX" paru chez Stock en 1990. Roman épuisé et introuvable ; la totalité du tirage ayant été achetée lors de sa sortie par un mystérieux amateur»

Selon Mme X, qui a attaqué Jean-Hervé C. en justice, la mise en ligne de ce texte «porte atteinte au respect dû à sa vie privée et constitue un traitement de données à caractère personnel effectué sans son consentement et sans motif légitime» , peut-on lire dans l'ordonnance. Aussi elle considère que cette publication a eu «des conséquences directes» sur l'activité de la société L. & Com qu'elle a fondée et dirige. La femme et sa société demandent donc le retrait du passage litigieux du site, sous astreinte, et la condamnation à 5000 euros de dommages et intérêts.

Pour le juge, s'il a effectivement une atteinte «caractérisée» à la vie privée de la prétendue maîtresse, ce n'est pas le cas de sa société, qui, n'étant l'objet d'aucune révélation la concernant «ne saurait se prévaloir que d'un éventuel préjudice indirect» . Surtout, il estime que le traitement de données personnelles réalisé par Jean-Hervé C. sans l'autorisation de la jeune femme «n'ayant d'autre but que de permettre l'expression publique de l'intéressé, qui fournit le service de communication au public en ligne litigieux, le principe constitutionnellement et conventionnellement garanti de la liberté d'expression interdit de retenir une atteinte distincte liée à une éventuelle violation des règles instituées par la loi du 6 janvier 1978 , laquelle n'est pas une des normes spécialement instituées pour limiter cette liberté dans le respect du second alinéa de l'article 10 de la convention européenne susvisée» . En clair, la liberté d'expression est un droit fondamental, et donc au-dessus de la loi Informatique et Libertés .

Etant donné la très faible fréquentation du site et l'incertitude sur la date de la mise en ligne du texte incriminé (2003 selon le défendeur), l'auteur a été condamné à un euro. Il y a également une incertitude sur la date de retrait du texte. En l'absence d'éléments probants des deux côtés, le juge a considéré que Jean-Hervé C. n'ayant, «en tout état de cause, pas informé la demanderesse du retrait immédiat qu'il aurait effectué» , il a été condamné à lui verser 300 euros.

Selon le site Legalis : «Si la condamnation reste très symbolique, la décision nous apporte néanmoins un éclairage intéressant sur l'articulation de la liberté d'expression avec la loi Informatique et libertés» .

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