La mauvaise Face de Facebook

par Stéphane Moussie
publié le 7 août 2012 à 17h18

«C'est un outil très puissant que Facebook a en sa possession et la façon dont tout cela fonctionne n'est pas encore claire. Ils ont des photos de centaines de millions de personnes. Ce que possède Facebook dans ses bases de données est un sujet de discussion que nous devons aborder avec eux.» Bjorn Erik Thon, le commissaire de l' Autorité norvégienne de protection des données , s'interroge sur le fonctionnement et l'utilisation de la technologie de reconnaissance faciale utilisée par le réseau social aux 900 millions de membres et plus. L'équivalent norvégien de la Cnil a ainsi annoncé en fin de semaine dernière qu'une enquête sera ouverte sur ce sujet à l'automne.

Cette annonce survient seulement quelques semaines après l'acquisition par le géant californien de Face.com , une société israélienne spécialisée dans les systèmes de reconnaissance de visages. C'est en fait par l'intermédiaire des outils de cette société que Facebook a lancé ladite fonction. L'achat de Face.com avait soulevé de nombreuses inquiétudes auprès des défenseurs de la vie privée. «Nous espérons voir des garanties très strictes sur la façon dont ces informations seront stockées et qui y aura accès, en particulier si — comme cela semble de plus en plus probable — Facebook essaye de se faire de l'argent avec» , avait alors déclaré la responsable communication de l'ONG anglaise Privacy International, Emma Draper.

La Norvège va mener son investigation de concert avec l'Autorité de protection des données en Irlande (DPC), qui avait déjà sermonné le réseau social en décembre dernier , l'enjoignant à mettre à disposition «des explications plus simples [sur] sa politique sur la vie privée» et «un accès simplifié et une mise en valeur de cette politique» . Le pays nordique attend la publication du prochain rapport de la DPC, qui doit faire le point sur les changements effectués ces derniers mois, pour envoyer un questionnaire au site.

Le réseau social n'est toutefois pas complètement muet concernant son système d'identification des visages, une page dédiée aux «suggestions d'identification» explicite quelque peu le système en place : «Nous utilisons un logiciel de reconnaissance faciale qui utilise un algorithme pour calculer un chiffre unique basé sur le visage d'une personne, comme la distance séparant les yeux, le nez et les oreilles. Ce modèle est basé sur les photos dans lesquelles vous avez été identifié(e) sur Facebook. Nous utilisons ce modèle pour suggérer des identifications lorsque vous ajoutez une photo sur Facebook. Ces modèles ne sont créés que pour les personnes qui ont été identifiées dans des photos sur Facebook.»

Une fenêtre dans les paramètres de confidentialités y va aussi de ses indications. «Personne n'est identifié automatiquement» , mais «quand une photo qui vous ressemble est téléchargée, nous suggérons l'ajout de votre identification» . Le site analyse donc de manière automatisée les photos postées -- sans le consentement de l'utilisateur -- pour proposer ces suggestions d'identification qui sont activées par défaut. De quoi construire une belle base de données...

Pour que son portrait ne soit pas pris dans le processus de reconnaissance faciale, il ne faut être tagué sur aucune photo. Ainsi, aucun «modèle» de votre visage n'est enregistré par Facebook si on en croit le site. Pour s'exclure des suggestions d'identification (la procédure a changé depuis le lancement de la fonctionnalité ), il faut se rendre sur cette page , cliquer sur «Modifier les paramètres» de la rubrique «Journal et identification», puis dans «Qui voit les suggestions d'identification lorsque des photos...» changer «Amis» en «Personne».

Le groupe de travail Article 29, collectif des Cnil européennes, s'est également penché sur le sujet et a rendu en mars un rapport sur la reconnaissance faciale , qui propose une série de recommandations pour assurer le respect de la vie privée des internautes. «Quand une image numérique contient le visage de quelqu'un qui est clairement visible et qui permet une identification, cela devrait être considéré comme une donnée personnelle» , établit Article 29.

Et de préconiser que les personnes qui uploadent des photos doivent avoir préalablement consenti à ce que leurs images soient analysées par un logiciel de reconnaissance faciale. Un feu vert informé qui n’existe pas sur Facebook à ce jour, la seule solution offerte aux membres du réseau étant de se désengager eux-mêmes de l'option... une fois les données d'identification biométriques déjà collectées. Facebook a encore du travail pour faire bonne figure.

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