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Libération

Google News : «La presse vit une période terrifiante»

Web. Josh Cohen, patron de Google News, réagit après les Etats généraux.
par Frédérique Roussel
publié le 13 janvier 2009 à 11h38

En décembre, lors d’une audition aux Etats généraux de la presse, Josh Cohen, le patron de Google News, avait été malmené par les éditeurs de presse. Déjà dans une situation difficile sur le papier, ils se retrouvent confrontés au modèle dominant de Google qui avale l’essentiel des revenus publicitaires en ligne. De passage en France, Josh Cohen, 39 ans, ne leur en a pas tenu rigueur et, comme tout «Googleman» qui se respecte, leur tend la perche.

Vous avez été auditionné par la commission Patino. Vous attendiez-vous à autant d’agressivité?

_ Je n’étais pas choqué. La presse traverse une période terrifiante, pas seulement en France, mais partout dans le monde. Son modèle économique est en train de basculer. Quel est le futur des journaux? Nous nous attendons à ce genre de débats avec les éditeurs et c’est important d’expliquer comment nous pouvons travailler en partenariat et aborder les étapes à venir. La consommation d’informations ne décline pas, elle est même plus importante que jamais. De plus en plus de gens cherchent des informations, et c’est en ligne qu’ils veulent les lire. Google souhaite continuer à aider les éditeurs de presse à tirer avantage de cette opportunité de lecteurs avides d’informations consommées sur de nouveaux supports.

Avez-vous lu le Livre vert?

_ En partie. Il y a des chiffres qui sont exagérés. Il est écrit que 85% des sessions sur Internet concernent Google, sans doute une confusion avec notre part de marché dans la recherche en ligne. Un internaute qui va relever ses mails ne va pas forcément sur Google. Quant à dire que 30% de chaque session sur Google provoque un clic sur les liens Adwords, cela est astronomique! Nous ne captons pas non plus 90% de la publicité à ciblage contextuel... Ce qui est vrai, c’est que le taux de croissance publicitaire en ligne augmente. Il s’agit d’une énorme opportunité pour les éditeurs, parce que de plus en plus de gens vont sur Internet, et donc il y a de plus en plus d’annonceurs.

Dans ses préconisations, la commission Patino attire l’attention de l’Etat sur la possible constitution de position dominante sur le marché publicitaire. Google est visé. Qu’en pensez-vous?

_ Il s’agit de la manière dont Google fonctionne. Un internaute peut passer très vite et très facilement de Google à un autre moteur de recherche. Or, nous voulons continuer à croître, à gagner des utilisateurs et à engranger plus de publicité. C’est la nature du business. Regardez, il y a cinq ou dix ans, au moment où sont nés de nombreux sites, ils étaient au sommet de la vague un jour et le ­lendemain... Nous sommes très conscients de cette volatilité.

Quelles sont vos propositions pour aider la presse?

_ Il existe trois niveaux sur lesquels jouer: gagner plus d'utilisateurs (trafic), avoir un meilleur contenu, ou gagner plus d'argent avec plus de publicité. Sur ces trois points, nous regardons comment nous pouvons travailler avec les éditeurs. Côté trafic, Google News est un exemple d'application qui peut servir à avoir plus de lecteurs. Le numérique ne pose pas de limites géographiques à la distribution. Les journaux en ligne peuvent toucher des milliers de nouveaux lecteurs sans imprimer le moindre exemplaire supplémentaire. Deuxièmement, Google ne crée pas de contenu, n'est ni éditeur ni journaliste. Nous sommes une entreprise de technologie dont les outils peuvent servir à apporter de la valeur ajoutée aux sites d'information. En novembre, par exemple, le Los Angeles Times s'est servi de Google Maps pour montrer l'avancée de l'incendie. C'est impossible dans le monde de l'imprimé. Quant à la publicité, le hic aujourd'hui pour les journaux, c'est que les recettes ne correspondent pas à la fréquentation des sites. Quand un média naît –radio, télévision et maintenant Internet–, les gens y vont, la publicité suit. On est dans une période de transition: de plus en plus de gens passent du temps en ligne, les dollars vont suivre.

Votre PDG Eric Schmidt vient de dire dans Fortune qu’il n’avait pas de solution pour sauver la presse...

_ Il n'y a pas de solution miracle. ­Google peut aider dans la mesure de sa connaissance de l'espace numé­rique. Les éditeurs doivent engager des discussions et mener leur transition vers le on line . Google, en particulier Google News, a une relation symbiotique avec la presse. Les éditeurs peuvent toujours créer du ­contenu, mais sans nous, il ne peut pas être trouvé. Google News aide les éditeurs à faire en sorte que leur ­contenu soit trouvé. Il ne faut pas se dire que c'est la fin du journalisme tel qu'il a été, mais plutôt se demander à quoi il ressemble aujourd'hui. A quoi ressemblerait le New York Times , si le papier n'existait pas? De nombreuses questions se posent à ce stade.

Google News a 7 ans. Avez-vous apporté de nouvelles évolutions?

_ Nous travaillons sans relâche sur l’algorithme. Nous essayons de trouver de nouvelles ressources et, notamment dans l’information locale, de trouver la source originelle d’une histoire qui a été répercutée des milliers de fois, de mettre des vidéos, plus d’images, d’élargir nos partenariats avec les journaux pour leur archives en ligne.

Comment voyez-vous le futur de l’information en ligne?

_ Les changements poussent les éditeurs à explorer de nouvelles pistes de journalisme. Le journal et le journaliste ne détiennent plus la parole divine. Il faut désormais compter avec les lecteurs, reconnaître l’importance des différents points de vue. Internet est un autre média, ­l’information en ligne peut raconter des histoires sans être le décalque du papier sur un écran d’ordinateur.

Paru dans Libération du 13 janvier 2009

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