La pub qui bouge et qui pète

par Pierre Marcelle
publié le 5 juillet 2008 à 4h11

Et vous-même, à quel moment avez-vous clairement perçu une bascule ? Quand, dans la pleine saison de la grande accélération, votre impression s'est-elle imposée d'un foisonnement publicitaire de jour en jour plus parasite, d'un adventice envahissement ? A quel instant précis, feuilletant votre écran de site en blog ou de spam en tchat, l'évidence s'est-elle imposée que telle image désirée ne se découvrirait plus qu'en arrière-plan, et tel papier en sous-texte ?

Au commencement étaient des placards où se rangeaient sagement sur l'écran des réclames qu'on visualisait comme sur une page, mais auxquelles la magie mouvante de la Toile donna très vite l'ambition de rendre invisible tout le reste - ambition à quoi les «créatifs» (sic) des agences de communication se sont appliqué avec un succès tel qu'il semble s'être construit sans opposition, telle une fatalité, comme si d'avance tout était perdu. Comme si le propos énoncé l'autre samedi dans le Monde par Maurice Lévy avait d'ores et déjà force de dogme.

Le patron de Publicis y constatait sans trop d'états d'âme que, dans les médias papier, «les espaces sont figés : il n'y a ni mouvement, ni son, ni musique. Résultat : ils [les annonceurs] coupent plus facilement les budgets des journaux».

Et il est de fait que de son, de musique et de mouvement en strates démultipliées de criardes couleurs, de laideur graphique et de bruyantes stridences, les marchands de tout, de rien et de vent nous abreuvent et accablent. Via d'intrusives sonneries de portables, de trains qui passent et de créatures ayant «envie de parler», mille animations brisent la quête d'un sens bientôt noyé comme un tapuscrit sous un bol de café renversé.

Patrick le Lay avait vendu aux annonceurs de TF1 son fameux «temps de cerveau disponible». Pour les opérateurs du Net, il semble acquis que ce temps-là sera bien celui, sans partage, d'un permanent décervelage.

Maintenant vacances. Retour de Moderneries à la fin de l'été.

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