La durée des droits «voisins» sera t-elle étendue à 95 ans en Europe ? Le Parlement Européen doit bientôt se prononcer sur l'extension de 50 à 95 ans de ces droits qui concernent les artistes-interprètes (chanteurs et musiciens) et producteurs d'œuvre. Selon le libéral Charlie McCreevy, à l'initiative du texte, ce nouveau régime doit permettre de «garantir un revenu décent» aux «parents pauvres» de l'industrie musicale. Pourtant, différentes études ont montré que cela allait essentiellement bénéficier aux maisons de disque, et coûter plusieurs centaines de millions d'euros aux consommateurs. Le tout au détriment du domaine public.
«L'industrie musicale tout entière, ainsi que les auteurs individuels, les médiathèques, les universitaires, les entreprises et le public seront perdants» , estime l'EEF (Electronic Frontier Foundation), organisation internationale de défense des consommateurs et des libertés. Dès mars dernier, avec l'ORG (Open Rights Group), elle déplorait les conséquences d'une telle mesure pour la vitalité du domaine public, et lançait une pétition en ligne autour d'un mouvement intitulé SoundCopyright . Soutenu par trois organisations d'artistes-interprètes : l'AEPO-ARTIS, la Fédération internationale des acteurs et la Fédération internationale des musiciens, l'amendement était finalement voté le 16 juillet dernier par la Commission Européenne. Et c'est maintenant au tour du Parlement de se prononcer sur la directive «Propriété intellectuelle: durée de protection du droit d'auteur et des droits voisins» .
En vu de ce vote, l’Open Rights Group tiendra une conférence mardi prochain à Bruxelles, et a réalisé une vidéo d'information pour expliquer les effets de cet allongement. (voir ci-dessous)
How copyright term extension in Sound Recordings actually works (en anglais)
Le film (en anglais) reprend les principaux arguments des opposants à l'extension de la durée de ces droits voisins. Selon McCreevy, cet allongement devrait donc garantir un revenu, toute la vie durant, aux interprètes ayant débuté jeunes (Hallyday, par exemple en France).
Or, selon une étude menée par l'ORG pour le Bureau anglais de la Propriété Intellectuelle (UK-IPO) , les principaux bénéficiaires d'un tel régime seront les maisons de disque. Ces derniers récolteraient 89.5% de la part du gâteau. 9% iraient ensuite aux 20% d'artistes les plus populaires. Et donc 1,5% aux 80% restants. Ils aussi ont calculé qu'en moyenne, la plupart des interprètes toucheraient 26,79 euros par an. De plus, selon l'organisation, cela va avoir un coût qui sera essentiellement supporté par les consommateurs.
Alors que la Commission a estimé qu' «une expertise externe n'était pas nécessaire» , l'ORG rappelle l'existence de plusieurs rapports qui remettent en cause la mise en place d'un tel régime. Dont le rapport Gowers (PDF) (2006) selon lequel une telle extension serait néfaste pour les consommateurs et l'industrie.
Aussi, le 22 juillet dernier, plusieurs experts indépendants européens signaient une lettre ouverte dans laquelle ils dénonçaient la directive. Selon eux, «l'extension des droits voisins bénéficie surtout à ceux qui détiennent déjà les droits, aux détenteurs de grands catalogues, qu'il s'agisse des maisons de disque, des vieilles stars du rock ou, de plus en plus, à leur succession» .
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