La riposte graduée, déjà has-been ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 3 mars 2009 à 12h38
(mis à jour le 3 mars 2009 à 14h18)

«Il serait faux de croire que le pari est perdu d'avance. On constate en effet que les téléchargements diminuent partout où un système d'avertissement ou de suspension des abonnements existe, notamment aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande.» C'était le 17 février. Devant la Commission des lois, Christine Albanel, ministre de la culture, anticipait alors quelque peu les bons résultats du système de riposte graduée dans le monde. La mise en application de celle-ci en Nouvelle-Zélande n'était alors fixée qu'au 28 février. Avant d'être finalement suspendue la semaine dernière par le premier ministre néo-zélandais.

On retrouve pourtant l'exemple de la Nouvelle-Zélande -- et sa «loi au contenu s'inspirant fortement du projet de loi en discussion devant l'Assemblée nationale» -- également cité dans le rapport de Frank Riester paru il y a deux semaines. Plus généralement, dans un paragraphe intitulé Une démarche originale susceptible d'inspirer d'autres pays , il souligne que «l'accueil réservé, à l'étranger, aux travaux de la mission présidée par Denis Olivennes et à l'accord signé le 23 novembre 2007 au Palais de l'Élysée démontre qu'un nouveau modèle de régulation de l'utilisation d'œuvres ou d'objets protégés par un droit de propriété intellectuelle sur internet est peut-être en train de voir le jour» .

Pourtant si le modèle a effectivement séduit un certain nombre d'industries culturelles et de gouvernements dans le monde entier, à l'instar de la Nouvelle-Zélande, lors de sa mise en application, on ne trouve plus grand monde.

Le pays le plus souvent cité, après la France, comme précurseur dans le domaine est le Royaume-Uni. Des accords signés entre les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et l'industrie culturelle aboutissaient à la mise en place, l'été dernier , d'un système de riposte graduée proche de celui voulu par le gouvernement français (avertissements puis coupure de l'accès Internet). «La grande question pour 2009 — avec un regard particulier sur la France et le Royaume-Uni — est à quelle vraie action cela va aboutir, et à quel point cela va être rapide et efficace pour renverser la dévaluation de la musique enregistrée et aider au retour de la croissance de l'industrie» , se demandait ainsi, en début d'année, John Kennedy , le président de l'IFPI (Fédération internationale de l'industrie du disque).

Dans son rapport, Franck Riester se félicite à nouveau de la situation : «signé le 24 août 2008 par, d'une part, British Telecom, Virgin Media, Orange, Tiscali, BskyB et Carphone Wharehouse, et d'autre part, l'industrie phonographique britannique (BPI) ainsi que l'association cinématographique (MPA), cet accord n'est pas sans rappeler celui de l'Élysée» . Il oublie toutefois de souligner que depuis un mois, le gouvernement anglais a exclu l'idée d'obliger tous les FAI nationaux à adopter la riposte graduée. Le 26 janvier dernier, David Lammy, le ministre anglais en charge de la propriété intellectuelle déclarait : «on ne peut pas avoir un système où on parle d'arrêter des adolescents dans leur chambre» et excluait de légiférer sur un système à la française, « trois coups et vous êtes éjectés » .

Parmi les autres pays cités, toujours dans le rapport de Franck Riester, on trouve la Norvège et l'Irlande. Dans le cas de la Norvège, il s'agit surtout, comme au Danemark ( où les FAI ont rejeté la riposte graduée ), de bloquer l'accès à certains sites. Mais la pilule ne passe pas si facilement. Et tout récemment, cela a même fait grand bruit alors que Telenor, le FAI public norvégien, a refusé de bloquer l'accès à The Pirate Bay à la demande de l'IFPI. Pour le président de Telenor, Ragnar Kårhus , c'est comme si la Poste ouvrait chaque lettre pour décider lesquelles acheminer. Du côté, de l'Irlande, on parle à la fois de coupure de l'accès Internet et de filtrage des sites de partage . Mais là encore, après avoir donné son accord, le principal FAI, Eircom, a finalement déclaré qu'il ne filtrerait pas de sites sans que cela passe devant le juge.

On peut enfin rappeler le tout récent rejet du principe de riposte graduée par l'Allemagne. «Je pense que le blocage de l'accès à Internet est une sanction tout à fait inacceptable. Elle serait, constitutionnellement et politiquement, très difficile» , déclarait ainsi, début février, Brigitte Zypries , la ministre fédérale de la Justice.

Alors la riposte graduée à la française, «une démarche originale susceptible d'inspirer d'autres pays» ? Il faut croire que c'est de moins en moins le cas.

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