La riposte graduée ne passera pas la Manche

par Astrid GIRARDEAU
publié le 26 janvier 2009 à 16h05
(mis à jour le 16 juin 2009 à 11h00)

Après des mois de pression, le gouvernement britannique n'obligera finalement pas tous les fournisseurs d'accès Internet (FAI) nationaux à adopter la riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal. «On ne peut pas avoir un système où on parle d'arrêter des adolescents dans leur chambre» , a déclaré aujourd'hui, David Lammy, le ministre anglais en charge de la propriété intellectuelle, dans les colonnes du

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En avril dernier, Andy Burnham , le secrétaire d'État à la culture menaçait les FAI de légiférer, avant le printemps 2009, sur la mise en place d'un système de riposte graduée s'ils ne l'appliquaient pas rapidement d'eux-mêmes. En juin, Virgin Media était le premier à se porter volontaire. A ses abonnés, dont l'adresse IP était soupçonnée de téléchargement de contenus protégés par le droit d'auteur, le FAI acceptait donc d'envoyer une première lettre d'avertissement. La BPI (British Phonographic Industry) se chargeait de la seconde. Outre un message pédagogique, l'association britannique d'éditeurs de musique invitait les parents à télécharger Digital File Check, un logiciel capable, selon eux, de faire le ménage dans les fichiers musicaux d'un ordinateur et de désinstaller les logiciels peer-to-peer. Si une nouvelle infraction était repérée, il était alors prévu la déconnexion et l'assignation en justice.

Dès juillet, six autres FAI (BT, BskyB, Virgin, Orange, Tiscali et Carphone Warehouse) emboîtaient le pas en acceptant de signer un Memorandum of Understanding (pdf) . Dans cette lettre d'intention, ils s'engagent à envoyer des courriers d'avertissement, à raison de 1000 par semaine, à leurs abonnés, grâce aux listes de notifications fournies par les ayants droit. «Tous les principaux FAI du Royaume-Uni reconnaissent maintenant qu'ils ont un rôle à jouer dans le contrôle des partages illégaux sur leur réseau» , se réjouissait alors Geoff Taylor, le directeur général de la BPI.

Cependant, le gouvernement semble avoir très vite évacué l'idée de couper l'accès Internet. Malgré les pressions des industries du divertissement, à l'occasion d'une conférence de presse, Andy Burnham annonçait ainsi exclure le système français «trois avertissements et vous êtes éjecté».

Cette position semble aujourd'hui se confirmer. «Je ne suis pas sûr que ça va être possible pour le moment» , a ainsi déclaré David Lammy , évoquant les difficultés légales à couper l'accès Internet des utilisateurs. Il s'exprime alors qu'est attendue, jeudi prochain, la parution du rapport «Digital Britain» de Lord Carter, le ministre des Communications. Selon les différentes informations qui ont filtré, ce dernier proposerait notamment de nouvelles régulations, une taxe sur les FAI pour compenser les pertes de l'industrie musicale ou encore un code de conduite d'Internet via la création d'une Rights Agency, financée par les FAI et les ayants droit, sous le contrôle d'un régulateur indépendant (Ofcom).

Pour David Lammy, il ne faut pas confondre la contrefaçon organisée et le téléchargement illégal tel que le pratiquent aujourd'hui les jeunes. «Les gens peuvent louer une chambre dans un hôtel et partir avec le savon -- il y a une grande différence entre partir avec un savon et partir avec la télévision.» Une déclaration, et une image, sur laquelle ont rebondi les acteurs de l'industrie du disque. «Le coût du vol d'un savon dans un hotêl est peut-être faible, mais si sept millions de gens volaient les savons toute l'année, ce qui se passe dans l'industrie musicale, je suis sûr que les chaînes d'hôtel réagiraient» , a ainsi répondu l'un d'entre eux.

Si cet épisode est loin d'être le dernier, ce pas en arrière du gouvernement anglais est intéressant. Surtout quelques jours après la clôture du Midem, où il a été dit et répété -- par des représentants de l'industrie, certains gouvernements (notamment français), et par le dernier rapport de l'IFPI -- que la riposte graduée est la seule réponse au téléchargement illégal et au sauvetage de l'industrie musicale.

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