La riposte graduée va-t-elle s'exporter?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 12 mai 2009 à 13h10
(mis à jour le 12 mai 2009 à 18h52)

Difficile de parler de coïncidence. Hier, veille du vote par les députés français du projet de loi Création et Internet, une alliance d'industriels anglais a adressé à son gouvernement une déclaration commune contre le téléchargement illégal de fichiers en ligne, rapporte la BCC . Elle souhaite notamment la coupure de l'accès Internet des internautes pratiquant l'échange illégale de fichiers de manière persistante. Une initiative qui va à l'encontre de la position du gouvernement anglais.

Composée de huit organismes de création et de cinq syndicats -- dont le British Phonographic Industry (BPI), la Federation Against Copyright Theft et l'UK Film Council -- cette coalition a ainsi envoyé une série de «recommandations urgentes» pour lutter contre le téléchargement illégal. Selon l'alliance, 50% du trafic britannique concernerait des contenus illégaux, et la montée du p2p illégal pourrait toucher quelque 800000 emplois dans les secteurs de la télévision, du cinéma, du disque ou du logiciel. Elle demande notamment au gouvernement d'obliger les fournisseurs d'accès Internet (FAI) à bloquer l'accès des internautes qui continueraient à télécharger après avoir reçu plusieurs avertissements. En clair, un système de riposte graduée avec coupure d'accès.

Des test ont déjà été menés en juillet dernier . C'était alors le fruit d'accords entre les lobbys des industries de la culture et les principaux FAI nationaux. Et, aujourd'hui, les ayants droit veulent une mise en application du système, avec une loi pour encadrer.

Pourtant, en janvier dernier, le gouvernement britannique annonçait qu'il n'obligera pas les FAI à adopter la riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal. «On ne peut pas avoir un système où on parle d'arrêter des adolescents dans leur chambre » , déclarait alors David Lammy, le ministre anglais en charge de la propriété intellectuelle. Ce pas en arrière est particulièrement symbolique, alors que le gouvernement anglais est alors, aux côtés de la France , en route pour la mise en œuvre de la riposte graduée.

Si cette démarche est la première à pouvoir être rattachée directement au vote, en France, de la loi Création et Internet, ça n'est probablement pas la dernière. Sur son blog, David Martinon , consul général de France à Los Angeles, indique ainsi qu' «au cœur même de l'industrie cinématographique américaine» , tous les partenaires «attendent de la France des "premiers pas" officiels qui ouvriront la voie à des solutions graduées et efficaces ailleurs dans le monde.» Après une politique de chasse au «pirate» et de procès en rafale, les ayants droit souhaitent désormais une législation. La situation est donc dans les mains des gouvernements. Or, ces derniers mois, tous les pays d'abord séduits par la mise en place d'une riposte graduée ont peu à peu abandonné l'idée , et isolé toujours un peu plus la France.

Le vote prochain de la loi Création et Internet va t-il inverser le mouvement ? Difficile à dire. Par contre, on peut facilement envisager dans les semaines à venir une série de déclarations. Et parmi elles, des annonces un peu précipitées à l'instar de Christine Albanel, ministre de la culture, qui, en février dernier annonçait : «les téléchargements diminuent partout où un système d'avertissement ou de suspension des abonnements existe, notamment aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande» alors même que rien de tel n'était alors appliqué en Nouvelle-Zélande. Au contraire, suite notamment à la pression des citoyens, le gouvernement néo-zélandais décidait la semaine suivante de suspendre la mise en œuvre de sa loi.

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