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Libération

La télé passe le mur du con

Jeux crétins, concepts idiots, candidats tournés en bourrique…Florilège incontournable des émissions repérées cette année au MIP TV.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 5 avril 2009 à 17h11

Il a fallu évaluer la monétisation de cette télé-réalité brésilienne, soupeser l'audience de ce jeu moldave sur les CSP++ et mesurer l'efficacité de ce quiz japonais sur les 18-49. Après une semaine au MIP TV, notre laboratoire, approuvé par les plus grandes marques de machines-outils et l'Union française pour la santé bucco-dentaire, peut enfin rendre son verdict. Verdict corroboré par la sélection présentée par Virginia Mouseler, de l'agence The Wit qui scrute les nouveautés de la télévision mondiale. Une très nette tendance se détache : la tendance con. Nous sommes formels. Et la faute à qui ? A la crise bien sûr, comme tout. Qui, n'a-t-on cessé d'entendre au MIP TV, pousse les gens à rester chez eux pour y regarder la télé. Ben voyons. Qui ruine les chaînes, contraintes de tailler dans leur budget. Pour Bertrand Villegas de The Wit, «la crise économique favorise une tendance light, dans tous les sens du terme, c'est-à-dire une légèreté du propos ainsi qu'une légèreté du budget» . Comme nous sommes moins polis, on sera plus lapidaires : con.

Con (gros…)

Elles sont blondes et leurs lèvres s'ourlent de gloss : des pouffes. Voilà l'axiome du jeu hollandais Pretty Smart , dont le but est de réveiller le gros con qui ronfle en chaque homme. Des candidats mâles, bière à la main, doivent deviner ce que les pouffes vont répondre à un quiz. Pas la bonne réponse, non : la réponse de pouffe. A la question «Qui est le dalaï-lama ?» , le front de la jolie fille se fend d'une ride de perplexité. Et se creuse au vu des trois propositions : «Un terroriste kamikaze ? Un mammifère? Le chef spirituel des Tibétains?» Evidemment, c'est le mammifère qu'elle choisit, sous les rires gras du bide des candidats. Ne brûlons pas notre soutien-gorge avant d'avoir jeté un œil exorbité à Sexy Car Wash , diffusé en Italie et déjà sur NRJ12 en France : «Des femmes et des voitures… Le rêve de chaque homme devient réalité.» Au volant de leur bagnole installée dans un décor de station-service, deux candidats sont soumis à des questions de haut vol ( «Combien de fois par jour un homme pense-t-il au sexe ?» ) et à chaque bonne réponse, des jeunes femmes se frottent à la calandre, l'eau savonneuse révélant peu à peu jusqu'à leur cicatrice d'appendicite.

Con (se retrouver comme un…)

C'est le cri du candidat qui, dans ces jeux à la mécanique vicieuse et dans un éclair de lucidité, se retrouve, donc, comme un con. Dans le britannique The Cube , il faut se livrer à tout à un tas d'épreuves de kermesse (promener une sphère d'acier sur une petite plateforme sans la faire tomber) mais… oppressé dans un cube. Ah vous aviez deviné ? Et la Caja , alors, malinos multilingues ? C'est une boîte dans laquelle, si vous avez été assez sots pour vous inscrire à cette émission espagnole, on vous enferme afin d'y projeter des images de votre vie et résoudre vos problèmes psycholo­giques. Là, observant des hirondelles sursignifiantes, une candidate fond en larmes. La honte. C'est aussi le ressort de Dating in the Dark  : deux appartements, une demi-douzaine de Hollandais dans chacun d'entre eux et une pièce plongée dans le noir pour les séparer. Une fois par jour, un Hollandais rencontre, dans l'obscurité la plus totale, une Hollandaise d'en face. Bonnes pâtes, nos amis se tripotent. Quand soudain : lumière ! Et effet comique assuré.

Con (ah les…)

Imaginez, vous entonnez la chanson de Titanic de Céline Dion. Et là, on vous plonge (on ne vous avait pas dit que vous étiez accroché en l'air ?) dans un tonneau rempli de glaçons. Ah les cons, avez-vous envie de hurler, mais non, dans le distrayant et suédois Twist and Shout , il ne faut jamais arrêter de chanter, que des blattes pleuvent sur votre visage ou que le tapis roulant sous vos pieds s'emballe. Autre genre de torture, celle du japonais What if . Et si vous n'aviez plus le droit de sortir vos ordures ? Devant l'accumulation de poubelles dans l'appart, ce candidat nippon, assez crétin pour avoir accepté le défi, déchante vite. Aussi vite que celui du britannique Naked . Comment vaincre sa timidité ? Ben, en se déloquant devant des millions de téléspectateurs. Ah oui, tiens, on n'y avait pas pensé.

Con (’spèce de grand…)

Que n'aviez-vous utilisé un contraceptif ce jour-là… Dix-sept ans plus tard, vous voilà doté d'un grand con plein de boutons, la voix oscillant entre Barry White et Jimmy Somerville, affligé d'une kleptomanie visant les sous-vêtements de la voisine. Hop, direction le Danemark et le déniaisant Love Camp  : là, sortie d'une toile de tente en forme de frifri, une «love guru» lui enseignera l'amour débridé façon années 70. Si vous êtes doté du modèle moule lymphatique infoutu, à 15 ans, de passer en CM1, Your Kid's an Idiot est fait pour lui. Quelques semaines loin de pôpa-môman avec des mollusques de son acabit où il sera contraint de trouver lui-même le chemin du réfrigérateur, et il sera transformé. Assez pour passer dans la catégorie des petits cons prétentieux de The Speaker  : un concours d'éloquence de la BBC où des mômes bavards comme des pies s'affrontent à coups de discours sur la faim dans le monde et ce genre de sornettes.

Con (vie de…)

Il y a une justice en ce bas monde, et c'est la télé qui la délivre, louée soit-elle. Un entrepreneur vous a salopé votre maison, posant le plancher au plafond et la moquette dans la baignoire ? L'émission danoise Construction Nightmares saura lui faire rendre gorge : tout au long du show, l'ouvrier véreux est poursuivi par de nobles et justicières caméras tandis que la production retape votre taudis. Même principe ou presque dans ADN : el ultimo secreto . Avez-vous eu le malheur, circa 1982, au détour d'une nuit imbibée de sangria, de vous laisser tenter par les charmes épicés d'une autochtone que, vingt-sept ans plus tard, voilà le fruit de cette ivresse vous réclamant un cheveu pour une analyse ADN. En plateau et en direct. Sinon, ce ne serait pas drôle. Ultime et toujours espagnole tranche de vie de con, celle du concept 21 Dias où une journaliste se fait caméléon. Elle s'est déjà glissée dans la peau d'une anorexique en se mettant à la diète pendant vingt-et-un jours. Actuellement, elle expérimente la vie d'un ado accro aux pétards. Pas si con.

Con (vraiment trop…)

Là, on touche au sublime, au vraiment très con. Ainsi, dans notre trio de tête de con, le merveilleux et japonais Revenge of the Pie  : soudain, dans la rue, un inconnu se fait entarter par un ninja. La prod embarque l'inconnu sur le plateau et lui propose une brochette de suspects. Seul l'un d'eux a commandité l'attentat pâtissier et il faut l'identifier et l'entarter à son tour. C'est tout ? Ben oui. Un cran au-dessus, Ba Ba Boom , venu du Brésil. Face au candidat, une rangée de mannequins gantés (c'est important – pas les mannequins, les gants). L'animateur fait : «Models, let's do the "Ba Ba Boom"». Là, toutes les jeunes filles tapent par trois fois sur la table : ba, ba, boom. Et ? Et pour gagner le pactole, le candidat doit, à l'oreille, déterminer lesquelles ont une pièce collée dans la paume du gant. C'est tout ? C'est déjà pas mal. Surtout quand on songe à notre concept vainqueur : l'italien SOS Patata . Marre de bosser ? Appelez donc SOS Patata et une brigade de pures jeunes filles intérimaires débarque. Et vous remplacent au pied levé. S'installent à votre bureau/four à pizza/chaîne de montage et se mettent au boulot. C'est tout ? Nooooon : elles sont toutes nues. Alors ça, c'est d'un con super.

CANNES, envoyés spéciaux

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