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Libération

La tête dans le cube

par Camille Gévaudan
publié le 21 avril 2012 à 9h36

Plutôt « F2L Petrus » ou « OLL/PLL » ? En toute sincérité, on n'a rien compris aux conversations qui agitent ce vendredi le Novotel des Halles, à Paris. Mais il est fascinant d'écouter cet étrange brouhaha de plastique entrechoqué, dans le petit salon où se déroulae le très officiel championnat de France de Rubik's Cube. Organisé chaque année par la World Cube Association , il attire autant de grands ados que de jeunes adultes, et même une poignée de collégiens accompagnés par leurs parents (pas peu fiers). À vue de nez, personne parmi les 137 candidats ne semble avoir plus de 30 ans.

Les épreuves de la compétition consistent à résoudre le célèbre casse-tête le plus rapidement possible (on appelle ça le « speedcubing »). Elles sont classées en plusieurs catégories selon le type de cube utilisé et les contraintes imposées au compétiteur. La matinée était par exemple consacrée aux manipulations classiques, à deux mains, avec des cubes de 2, 3 ou 4 pièces de large. Plus rock’n’roll, l’après-midi a vu s’enchaîner les résolutions de « 5x5 » (cubes de 5 carrés par côté), de «3x3 à une seule main» et même de «3x3 les yeux bandés» – épreuve d’expert s’il en est, où il s’agit de mémoriser intégralement la configuration initiale du cube avant plonger dans le noir pour le résoudre d’une traite.

Du plus petit au plus grand : le Pocket Cube ( photo Mike Gonzalez), le Rubik's Cube ( photo Alvaro qc), le Rubik's Revenge et le Professor's Cube ( photos Mike Gonzalez)

Bien calés sur leurs fauteuils, tous les participants manipulent avec une même frénésie leur cube multicolore. Clic, clic, clic, clic... Ils répètent inlassablement les mêmes gestes pour entretenir leurs réflexes avant d’être chronométrés. Certains sont venus disputer un seul titre, comme Pierre Lemerle, 25 ans, qui a remis en jeu sa couronne de champion de France en 4x4 et espère rester sur le podium cette année. D’autres se battent sur plusieurs fronts à la fois et ont amené dans leur sac une collection complète de cubes, parfois en plusieurs exemplaires... Mais jamais de la marque officielle « Rubik’s », unanimement jugée trop dure à manipuler. Les pros préfèrent dénicher leur matériel sur Internet et acheter des cubes plus fluides, dont ils peuvent faire tourner les faces à 180° d’un seul doigt.

Mais comment, dans cette pièce aussi bruyante et agitée, arrivent-ils à garder toute leur attention sur l'inversion du coin rouge/jaune ? Mystère et cube de gomme. Les jeunes se croisent, se bousculent, s'enjambent et se contournent sans cesse. Ils vont et viennent entre les tables – où leurs performances sont chronométrées – et le coin des « mélangeurs », chargés de brouiller les cubes entre les différents essais auxquels ils ont droit. Ils retrouvent des camarades qu'ils n'avaient jusque-là croisés que sur Internet, dans les forums où les «cubeurs» spécialistes s'échangent leurs astuces, et discutent avec eux de leurs techniques de résolution dans un jargon totalement inaccessible aux profanes. Ils donnent un petit nom à tous les mouvements de cube, surnommant par exemple «U2» (pour up x2) la rotation de la face supérieure à 180°, et vantent les mérites comparés de la méthode Fridrich et de la Petrus selon le nombre d'enchaînement logiques à apprendre par coeur.

Alors, disait-on, plutôt « F2L Petrus » ou « OLL/PLL » ?

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