Le CSA et les révoltées du pilori

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 25 février 2010 à 13h56

La punition infligée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), passe encore. Mais la punition cul nu devant tous les téléspectateurs, ça, c'est non. Ainsi que le raconte le Point , les chaînes condamnées par le CSA à lire à l'antenne la liste de leurs manquements regimbent sérieusement. Au point, selon nos informations, d'envisager comme «une possibilité» un recours devant le Conseil d'Etat.

Dans le viseur de la pétoire du CSA, TF1 et Canal+. Le casier de la Une, déjà chargé, s’est alourdi de trois fautes : la photo d’un tueur allemand qui n’était pas le bon ; une manifestation de musulmans où, selon Claire Chazal, hommes et femmes étaient séparés, ce qui n’était pas le cas ; et enfin les images du vote de la loi Hadopi montrant un hémicycle farci de députés ravis de l’adoption alors qu’ils n’étaient que seize.

Pour Canal+, il s'agit d'un sujet diffusé le 18 octobre dans l'émission Dimanche+ . On y voyait six séquences montrant la façon dont les médias internationaux se payaient la poire de la France au sujet de l'élection de Jean Sarkozy à la tête de l'Epad. Boulette : parmi les six, l'une était une parodie d'un JT allemand bricolé par quelque chenapan d'Internet. Pour l'instant, seules TF1 et Canal+ sont concernées. Mais M6 qui s'est laissé abuser par la même parodie ne devrait pas tarder à recevoir son courrier. De même que France 2 à cause de l'annonce, rectifiée quelques minutes plus tard, de la mort du petit Enis, ainsi que la diffusion de quelques secondes d'images de Gaza sans aucun rapport avec l'actualité.

Aucune n’échappera à la sainte colère du CSA et, c’est une première, elles vont devoir, un peu à la façon des publications judiciaires dans la presse people, faire leur autocritique en public. Le CSA a envoyé à TF1 et Canal+ la procédure : le présentateur devra lire le communiqué à l’antenne pendant que s’affichera un élégant placard noir où défilera le texte de la punition.

Pour l’heure, les chaînes fautives doivent faire part de leurs observations, avant une plénière mardi prochain au CSA qui décidera du texte final et de son horaire de lecture. A TF1, qui n’a pas souhaité répondre aux questions de Libération, il y aurait baston entre Nonce Paolini, soucieux de ne pas se fâcher avec le CSA qui doit encore rendre un avis sur le rachat par la Une de TMC et NT1, et la rédaction qui juge les excuses présentées à l’antenne suffisantes.

A Canal+, la pilule a du mal à passer. D'autant que, une semaine après la boulette dans Dimanche+, Anne-Sophie Lapix avait rectifié et présenté ses excuses. Et on l'a saumâtre de devoir lire un texte qui ne fait même pas explicitement mention de l'erreur. Chez M6, on reste coi en attendant le courrier du CSA. Rien non plus encore à France Télévisions même si on a son idée quant à ce brusque activisme : «Depuis que le CSA a perdu l'une de ses prérogatives majeures [la nomination des présidents de l'audiovisuel public que s'est arrogée Nicolas Sarkozy, ndlr], on a l'impression qu'il nous cherche du matin au soir.»

Au CSA, on explique avoir «constaté des manquements répétés qui n'aboutissaient à chaque fois qu'à une petite tape sur les doigts» . En fait, le CSA procède à deux mises en demeure avant d'entamer une procédure de sanction. Et les chaînes ne sont punies qu'au bout de plusieurs avertissements : «Si le CSA en vient à une sanction, c'est qu'il y a eu une série de mises en garde.» Mais le problème, c'est la punition en forme de bonnet d'âne. Et la directrice de l'info de France Télévisions Arlette Chabot n'a pas du tout envie de le revêtir : «Ça jette l'opprobre sur toute l'info à cause de deux bêtises. On doit reconnaître nos erreurs -- et on a fait beaucoup de progrès dans ce domaine -- et ensuite on est convoqué au CSA qui nous dit "dont acte" mais là, y en a marre : on est dans le flicage, le scandale et la démesure.»

Hormis le bonnet d'âne, le CSA avait une autre option : la sanction pécuniaire, ce que les chaînes préféreraient. «On va leur mettre 1 million d'euros d'amende et on verra s'ils ne préfèrent pas la lecture du communiqué» , rigole-t-on au CSA. En signe d'apaisement, le Conseil souhaite aussi faire dans la pédagogie en organisant une journée de réflexion sur l'utilisation des images et des archives.

Paru dans Libération du 24 février 2010

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