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Libération

Le FBI met trois sites de poker au tapis

par Cyril Solbiac
publié le 19 avril 2011 à 18h25
(mis à jour le 19 avril 2011 à 18h35)

Ce week-end, une action de grande ampleur a été lancée aux États-Unis par le FBI, qui a saisi le nom de domaine de trois mastodontes du poker en ligne : Pokerstars, Full Tilt Poker et Absolute Poker. Et inculpé 11 individus dont les fondateurs de ces trois sociétés, tout en saisissant 76 comptes bancaires dans 14 pays. Tout internaute qui essaie de se connecter à ces sites est maintenant dirigé sur une page notifiant l'opération du FBI. A l'origine de cette action : Preet Bharara, procureur du district sud de New York. D'après le Wall Street Journal , il les accuse « d'avoir mis en place un schéma élaboré de fraude criminelle, en trompant ou soudoyant certaines banques pour permettre d'engendrer des milliards de dollars illégaux grâce aux profits des jeux » .

Message du FBI remplaçant les pages des trois sites incriminés

La loi Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (UIGEA), a été promulguée en 2006 par l'administration de Georges W. Bush. Elle interdit le transfert d'argent des institutions financières vers les sites de jeux sur internet. Pour contourner la loi, les entreprises de jeux d'argent ont ouvert des comptes bancaires en dehors des États-Unis. Les versements d'argent auraient été dissimulés en achats fictifs de bijoux et de balles de golf. Le procureur explique vouloir récupérer 7,5 milliards de dollars engrangés grâce ces opérations.

A-t-il fallu cinq ans au FBI pour se rendre compte de l'illégalité de ce business ? Sans doute pas, mais la compréhension des rouages est récente. Il semblerait que ce soit le millionnaire Daniel Tzvetkoff, un entrepreneur australien spécialisé en commerce électronique, qui a tout balancé. Le jeune homme aidait Full Tilt Poker et Pokerstars à contourner le UIGEA grâce à sa société Intabill. Poursuivi (par les sites de poker eux-même, ironie du sort) pour avoir détourné 100 millions de dollars, il a été arrêté en avril 2010 et aurait fourni les détails du mécanisme financier au FBI pour éviter 75 ans de prison.

Du coté des joueurs de poker, le mécontentement et les inquiétudes sont palpables. Au point de nommer ce vendredi : le «Black Friday. » La Poker Player Alliance (PPA), une association qui compte plus d'un million de joueurs, a rédigé un communiqué de presse . Elle estime qu'il s'agit d'une « déclaration de guerre » de l'autorité fédérale américaine. Évidemment, la principale crainte est de voir disparaître les sites incriminés et de ne pas pouvoir retirer l'argent encore présent sur les comptes des joueurs.

Se voulant rassurant, Pokerstars a précisé sur Twitter qu' « il n'y a aucune raison de s'inquiéter, les mises sont en sécurité. Pour tout individu hors des États-Unis, la situation est normale.» Chez Absolute Poker, un nouveau nom de domaine en « .net » a ouvert. Tout va bien, alors ? Pas vraiment. Cette histoire écorne bien sûr l'image des trois sites. Full Tilt Poker a déprogrammé son tournoi le Onyx Cup Series. La chaine de télé américaine ESPN, quant à elle, a enlevé toute publicité de Pokerstars sur sa page consacrée au jeu. Et la perte des nombreux joueurs américains devrait se faire largement ressentir au niveau du chiffre d'affaire.

En France, la légalisation des paris en ligne a été votée le 6 avril 2010 par le Parlement. Depuis, une entreprise doit bénéficier d'une licence délivrée par l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour être dans la légalité. C'est le cas de Full Tilt Poker et de Pokerstars. Ces derniers se veulent bien sûr très rassurants et assurent que tout va bien. « Nous souhaitons rappeler à nos joueurs que PokerStars.fr est une salle de poker gérée de manière indépendante possédant sa propre licence, séparément de nos autres sites de poker internationaux. » Mais si l'affaire venait à s'aggraver outre-Atlantique, des dommages collatéraux ne seraient pas franchement improbables. Du côté de l'ARJEL, qui a accordé aux deux sociétés leur licence, on assure suivre l'affaire, mais on se refuse à ce stade à tout commentaire.

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