Menu
Libération

Le Kremlin se sert de Microsoft comme cheval de Troie

par Alexandre Hervaud
publié le 14 septembre 2010 à 18h16
(mis à jour le 14 septembre 2010 à 18h19)

Pour faire taire un journal d'opposition (ou perçu comme tel par un gouvernement), il y a plusieurs méthodes. La française, on l'a constaté récemment , consiste à épargner le média pour s'attaquer directement à ses sources. La russe, moins discrète mais sans doute plus efficace, consiste à débarquer dans les salles de rédaction pour saisir le matériel informatique (une stratégie valable aussi pour les associations d'écologistes critiquant la pollution d'une vieille usine réouverte par Poutine, par exemple).

Seulement russe ou pas, il faut un minimum de raison pour saisir les ordinateurs de journalistes ou associations insolents. En l'espèce, c'est la lutte anti-piratage de Microsoft, dont beaucoup de logiciels (la suite Office, surtout) sont installés via des copies piratées en Russie, qui a servi ces derniers mois de parfait alibi. C'est le New York Times qui révèle l'affaire dans une enquête dont on conseille vivement la lecture, et qui est résumée par le journaliste dans la vidéo ci-dessous :

Comme l'explique le NYT , les recherches de matériel piraté se produisent généralement quand les groupes ou médias concernés s'apprêtent à organiser un évènement ou lâcher une info importante. Et de remarquer que les alliés du gouvernement n'ont quant à eux jamais été inquiétés pour pareilles raisons. Pire encore, comme la vidéo postée précédemment l'évoque, certaines des organisations visées par ces perquisitions n'avaient rien à se reprocher en matière de logiciels, tous acquis par des voies légales.

Microsoft, qui a souvent été critiqué pour ses relations avec la Chine , n'a pas tardé à répliquer via un communiqué rédigé par Kevin Kutz, directeur des relations publiques de la firme de Redmond. Déclarant prendre «très au sérieux» les questions soulevées par l'article du NYT (on s'en serait douté), Kutz a annoncé une série de mesures parmi lesquelles une clarification des responsabilités de ses partenaires locaux (les avocats russes employés par Microsoft, par exemple), dont les noms seront publiés sur un site afin de prévenir toute usurpation d'identité.

Et puis il y a la proposition, magnanime, de fournir gratuitement via un programme d'aide des licences de produits Microsoft aux associations qui en feraient la demande via un programme de donation. On peut aussi conseiller aux associations et médias locaux de ne pas tenter le diable et d'opter directement pour une solution libre comme Open Office . Pas sûr que cela suffise à dissuader les autorités toujours promptes à défendre l'intérêt national, certes.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique