Le Sénat plébiscite la riposte graduée

par Astrid GIRARDEAU
publié le 31 octobre 2008 à 13h43

Sans grande surprise, après seulement deux jours débat (au lieu des quatre inscrits), les sénateurs ont adopté hier soir, par une très large majorité, le projet de loi Création et Internet de lutte contre le téléchargement sur Internet de fichiers protégés par le droit d'auteur.

Christine Albanel, ministre de la Culture, s'est réjoui «de l'unanimité autour d'un grand sujet culturel : la défense du droit d'auteur» . Un débat «navrant» pour une loi «scandaleuse» qui «ne sert que quelques industries qui refusent l'évolution de la société» s'insurge de son côté la Quadrature du Net .

A 297 voix pour contre 15 (le PCF s'est abstenu), les sénateurs ont maintenu le principe de couper l'accès à Internet au bout du troisième avertissement. Et donc rejeté l'amendement déposé par Bruno Retailleau qui proposait de la replacer par une amende. Une option rejetée par Christine Albanel.

La coupure de l'accès s'inscrit dans une «logique pédagogique alors qu'avec l'amende je trouve qu'on est beaucoup plus dans une logique répressive» déclarait-elle mardi dernier.

Le système voté prévoit donc en sanction finale (après deux avertissements) la coupure d'accès Internet à un individu dont l'adresse IP aura été repérée comme ayant servi à télécharger un fichier protégé par le droit d'auteur. Pour la durée de suspension, elle a été ramenée à un mois minimal, contre les trois mois prévus à l'origine. Mais, par contre, le recours pour les abonnés accusés reste non suspensif. C'est à dire que l'internaute présumé coupable qui souhaite démontrer son innocence devant un juge verra quoi qu'il en soit son abonnement coupé. Abonnement qu'il continuera à payer. Un tel recours serait «dommageable pour le bon fonctionnement de la procédure» , estime Christine Albanel.

Pour rappel, les objectifs du projet ne font pas vraiment dans la dentelle . Il est en effet prévu, chaque jour, l'envoi de mails d'avertissement à 10000 internautes français, et de courrier avec accusé de réception à 3000 autres citoyens. Et toujours, chaque jour, l'autorité judiciaire Hadopi devra de traiter 1000 décisions.

Par contre, la suspension pourrait ne plus être totale. On évoque notamment la possibilité de laisser un accès à la messagerie dans la mesure où les moyens techniques le permettent. «Il s'agit de permettre à l'Hadopi d'assurer la protection des œuvres en fonction de l'évolution des technologies. Nous pensons par exemple à des messageries qui ne permettraient pas la communication en documents attachés de fichiers musicaux protégés ou à une réduction du débit empêchant le téléchargement de fichiers piratés» , a indiqué Michel Thiollière, le rapporteur du projet de loi.

Pour les 1,2 millions de foyers en zones non dégroupées, et donc pour qui suspendre l'Internet signifie également suspendre le téléphone, l'accès ne sera pas coupé mais les internautes devront prouver qu'ils utilisent un outil de filtrage, type firewall. De même, le texte exige aux entreprises et établissements collectifs, l'installation de «pare-feux ou logiciels pour éviter le piratage» de leurs salariés.

Selon le calendrier annoncé , le texte devrait maintenant être renvoyé devant les députés de l'Assemblée Nationale, au début de l'année 2009.

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