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Libération

«Le changement n’a lieu que lorsque les gens prennent la rue»

Andy Bichlbaum, un des deux Yes Men, explique la démarche du duo. 
par Marie Lechner
publié le 15 septembre 2009 à 18h24

Andy Bichlbaum des Yes Men, ­contacté par téléphone à New York où il réside, répond, en français, à nos questions.

Quel est selon vous l’acte fondateur des Yes Men ?

Notre première action fut de créer un faux site de l’OMC en novembre 1999 parce que nous ne pouvions pas nous rendre aux manifestations à Seattle. Un site miroir satirique pour montrer ce qui clochait dans la globalisation et le libre marché. A notre grande surprise, plein de gens ont commencé à écrire à ce faux site, en pensant que c’était le site officiel de l’OMC. C’est ainsi qu’on s’est retrouvés invités à une conférence en tant que représentants de l’OMC, à Salzbourg, où nous avons proposé de privatiser le système électoral, c’est-à-dire autoriser les grosses compagnies à acheter directement les voix des électeurs via le Web, ce qui permettrait de s’épargner un laborieux lobbying. L’assemblée n’était pas du tout choquée par nos propos, ce qui nous a contraints à monter toujours plus le volume.

Maintenant que Barack Obama a été élu, les Yes Men ont-ils encore une raison d’être ?

Plus que jamais. Les précédents histo­riques prouvent que le changement n’a lieu que lorsque les gens prennent la rue, en tout cas aux Etats-Unis. Pendant la Grande Dépression, Roosevelt a institué un système de santé public, un plan de retraite, des lois sur le travail, etc. Toutes ces choses que les pays développés, et spécialement l’Europe, tiennent pour acquises ont été inspirées par les Etats-Unis. Mais ce n’est pas Roosevelt qui a imaginé ça depuis son bureau ovale, c’est la pression de la rue, des gens qui ­réclamaient cela, qui ont forcé ces ­changements.

On n’a jamais pensé que deux mecs en costume comme nous allaient changer le monde, nous essayons simplement d’attirer l’attention des médias sur ces questions – un peu comme le fait notre cousin belge Noël Godin quand il entarte ses cibles – de réussir à soulever un peu de révolte.

Pour commémorer l’anniversaire de la catastrophe de Bhopal, en 1984, il y a eu 600 articles dans la presse, ça n’a peut-être pas changé grand-chose, puisque Dow Chemical n’a pas dédommagé les victimes, mais ça fait un précédent. Avec Obama, j’espère que nous passerons moins de temps à combattre et plus à construire. Nous avons un Président et des gens dans le Congrès qui aimeraient bien faire, mais ils sont contraints par les intérêts industriels. Si les gens vont manifester, ils peuvent s’appuyer sur ces protestations pour justifier leurs actions.

Quel est votre lien avec les activistes ­traditionnels ?

Nous faisons partie d'un très grand mouvement, le mouvement environnementaliste actif depuis vingt-cinq ans. Nous montons nos actions en connivence étroite avec les activistes de terrain, ils sont bien plus intelligents que nous, et connaissent mieux la situation et les enjeux. Pour l'intervention à La Nouvelle-Orléans, ce sont les activistes qui nous ont contactés pour nous signaler que les gens étaient évincés des logements sociaux. Qu'on profitait du désastre de Katrina pour les expulser et refaire la ville en plus blanc. Pour monter l'intervention autour de l'anniversaire de Bhopal, c'est quelqu'un de Greenpeace qui nous a conseillés. Quant à l'édition spéciale du New York Times , ce sont des centaines de bénévoles qui ont participé pour rendre ça possible. Nous avons grand espoir que ce film qui sort le 7 octobre en salles donne des idées à de nombreux Américains et les incite à s'activer, à prendre des risques, notamment à l'approche de la conférence sur le climat de Copenhague. On veut inspirer plein de mini Yes Men.

Paru dans Libération du 15 septembre 2009

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