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Libération

Le game design, un art à la page

par Olivier Seguret
publié le 21 février 2011 à 0h00

Il n'y a aucune espèce de fanfaronnade ou de plaidoyer dans le titre du livre de James Schell, l'Art du game design. Ce volumineux ouvrage est au contraire un manuel placide et parfois malicieux, dont le programme est d'instruire et d'encourager les développeurs de jeux vidéo, aspirants ou déjà lauréats. Il leur fixe «100 objectifs pour mieux concevoir vos jeux» et y répond point par point, avec une science de la pédagogie qui n'exclut jamais la précision, la substance et la profondeur.

Game designer lui-même et activiste renommé de l’Association internationale des développeurs de jeux, James Schell a construit son livre comme une sulfateuse à bonnes questions, y compris et surtout celles auxquelles nous n’aurions jamais songé, produisant autant de passionnantes réponses. Elles concernent bien sûr tous les aspects proéminents de la tâche du développeur - règles, action, histoire,  mécaniques, musique, etc. - mais la dynamique, la notion de flow, celles de besoin, d’équité, de liberté ou même d’amour et de poésie sont également étudiées par le collimateur à spectre large de l’auteur. Comme on trouve dans un labo d’indispensables instruments utiles à l’expérimentation, cet ouvrage fonctionne comme un outil pratique de réflexion : il nous apprend à réfléchir à un «métier», dont les frontières sont poreuses et qui en regroupe plusieurs, mais aussi à la matière ludique elle-même, à la nature de cet art encore baigné d’enfance et pourtant très puissant, et enfin au goût que nous en avons.

C'est là, évidemment, que nous le recommandons à tous les gamers «with a conscience», ceux qui aiment interroger leur goût du jeu, activité étrange et parfois passionnelle, qui offre néanmoins des satisfactions absolument uniques, intenses, que rien d'autre ne saurait reproduire et sur le mystère desquelles ce livre apparemment technique donne autant d'élucidations qu'un essai théorique. En visitant préalablement les chaudières mêmes du système professionnel, là où divers artisanats s'alchimisent en effet, parfois, en «art», le joueur obtiendra le bénéfice immédiat d'un panorama entièrement nouveau sur le paquebot industriel lui-même (et même sur les menaçants icebergs du marketing que le créatif le plus échevelé ne manquera pas, tôt ou tard, de croiser). C'est pourquoi, de la même façon qu'il n'est pas interdit de réfléchir au cinéma sans avoir l'intention de devenir metteur en scène, il est permis, et même préconisé, de lire cet usuel sans forcément aspirer à devenir un professionnel du game design.

l'Art du game design, de James Schell, éditions Pearson France, 510 pp., 39 euros.

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