Le glouton élargit sa «mission»

Google numérise tous azimuts et cherche à se poser, d’ici quelques années, en premier libraire de la Toile.
par Christophe Alix
publié le 31 août 2009 à 11h15

«Organiser les informations à l'échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous.» La célèbre «mission» de Google aura amené, en dix ans à peine d'existence, le moteur de recherche à s'investir dans un nombre d'activités tel qu'il sera bientôt difficile de toutes les recenser. Afin de remplir à bien cette «mission» , le géant de l'Internet repousse jour après jour ses limites.

Nouvelle incarnation de la multinationale tentaculaire, Google n’a de cesse d’étendre sa gloutonnerie d’indexation à l’ensemble du patrimoine informationnel de l’humanité. Rien d’étonnant donc à ce que l’américain s’intéresse à tous les livres publiés, comme il s’intéresse à tous les blogs en activité, toutes les vidéos postées sur la Toile ou encore tous les podcasts à écouter en ligne.

Nourriture noble par excellence, le livre aura d'ail­leurs été la première incursion du site en dehors de son champ traditionnel d'activité avec le lancement de son projet de bibliothèque virtuelle en 2004. Une tâche «herculéenne» -– comme la définit la commissaire européenne à la Société de l'information, Viviane Reding –- financée par les milliards de bénéfices publicitaires qu'enregistre Google.

Cinq ans après le début de ce colossal chantier, près de 10 millions d’ou­vrages ont déjà été numérisés. Ils sont accessibles aux internautes de 124 pays, en 40 langues, via une «plateforme» unique, le service «Google recherche de livres». On y trouve pêle-mêle des chefs-d’œuvre de la littérature tombés depuis belle lurette dans le domaine public et issus de prestigieuses bibliothèques mondiales, comme Oxford ou la New York Public Library. Et des ouvrages d’obscurs éditeurs qui ont confié à Google la numérisation de leurs titres.

Principal avantage pour les centaines de bibliothèques et les 25 000 éditeurs qui ont transmis leur fonds à Google : le service est entièrement gratuit et n’empêche pas ces partenaires d’exploiter librement leurs œuvres numérisées. En contrepartie, Google ne demande «que» l’exclusivité de l’indexation des ouvrages sur la Toile – c’est-à-dire la possibilité d’y accéder – afin d’exclure de ce marché d’autres moteurs de recherche.

Google affirme également respecter pleinement la volonté des ayants droit – quand ils existent – et des éditeurs, lorsque ces derniers souhaitent s’exclure des résultats de recherche. Mais les ouvrages numérisés restent bien là, en attendant que la situation se débloque, leur consultation se limitant alors à quelques courts extraits.

Après trois ans de conflit avec les éditeurs américains, furieux de la numérisation de millions d’œuvres par Google sans autorisation, la situation est en train de se débloquer. Contre paiement d’un dédommagement de 125 millions de dollars (environ 85 millions d’euros) et à condition que la justice américaine valide le deal, Google sera bientôt autorisé à vendre directement leurs ouvrages en ligne, deux tiers des revenus allant à l’éditeur et un tiers au site.

Après s’être d’abord habilement cantonné au rôle de premier bibliothécaire de la Toile, Google pourrait demain devenir le premier des libraires de l’Internet. Au grand dam du leader Amazon, qui voit le géant du Net débouler sur ses plates-bandes. C’est peu de dire que Google aimerait refaire le même coup en Europe, où l’essentiel des éditeurs le boudent.

Paru dans Libération du 29 août 2009

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