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Libération

«Le jeu est un aperçu étrange, abstrait et analytique du cerveau d'Assange»

par Marie Lechner
publié le 7 janvier 2011 à 14h09
(mis à jour le 7 janvier 2011 à 14h10)

Paolo Pedercini, créateur de Molle Industria , explique ce qui a motivé sa participation à Wikileaks stories et la conception de son jeu Leaky World .

Traiter Wikileaks sous la forme d'un jeu relève du challenge ?

J'ai décidé de réaliser ce jeu comme contribution au projet Wikileaks Stories . C'est le seul effort activiste concerté dans le domaine du jeu à ce jour. Toutefois, je ne pense pas que les jeux sont particulièrement adaptés pour « raconter des histoires » et les histoires issues des cables diplomatiques sont certes intéressantes mais pas aussi cataclysmiques qu'annoncées. Et c'est pour cette raison que finalement tout le monde a fini par parler du préservatif cassé d'Assange: la chasse à l'homme et l'intrigue de ce double rendez vous était paradoxalement une histoire plus forte et plus passionnante à raconter et à consommer.

Par conséquent, j'ai pensé que la meilleure chose à faire était de dézoomer cette narration réductrice « États-Unis versus hackeur fou » et de favoriser une approche plus systémique. J'ai utilisé un texte d'Assange comme point de départ et le résultat est un aperçu étrange, abstrait, analytique (et évidemment spéculatif) du cerveau d'Assange.

Vous qualifiez Leaky World d'une théorie jouable. Quelles problématiques de Wikileaks souhaitiez vous véhiculez en priorité ?

Je pense que La conspiration comme gouvernance est une bonne description du conflit entre le pouvoir transnational et la multitude connectée de l'ère internet. Lorsque nous parlons de Wikileaks, nous avons tendance à focaliser sur les questions de la liberté de l'information et les limites du « whistleblowing » (1) mais Assange a une vision plus ambitieuse. L'objectif de Wikileaks n'est pas juste d'exposer des scandales occasionnels et de restaurer la légalité et la transparence mais d'affaiblir systématiquement un réseau en perpétuel évolution d'institutions militaires, politiques, économiques qui « conspirent » en permanence. La « conspiration » ici n'est pas un complot de dessin animé sur la domination mondiale, mais une façon d'opérer plus triviale et plus ubiquiste. La classe dirigeante a besoin d'opérer en secret simplement parce que sa suprématie se fait aux dépens de la liberté et la réalisation de soi de la majorité des gens. C'est une théorie et comme toute théorie, elle prête à débat, mais quoiqu'il en soit, elle jette une perspective intéressante sur toute l'affaire Wikileaks.

(1) Le whistleblowing, déclenchement d’alerte, est le geste accompli par un individu qui est témoin, dans son activité professionnelle, d’actes illicites et qui, par civisme, décide d’alerter les autorités ayant le pouvoir d’y mettre fin.

Photo Régine Debatty, CC BY SA

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