Le miroir à deux Facebook

Internet. Ce réseau social, déjà riche de 24 millions d'utilisateurs désireux de tout dévoiler, va-t-il trop loin ?
par Frédérique Roussel
publié le 13 juillet 2007 à 8h46

Il y a quelques jours, un courriel tombe dans la boîte aux lettres de l'auteur de ces lignes. Qui dit, en anglais : «Olivier vous a ajouté comme ami dans Facebook. Nous avons besoin que vous confirmiez que vous êtes réellement ami d'Olivier.» Suivait le lien ad hoc. Qui diable était donc cet Olivier ? Vague nostalgie remontée d'une cour d'école sous les peupliers. Et Facebook, quèsaco ? En un clic, je rejoignais l'immense communauté de «facebookers». Plus de 24 millions d'âmes sur la planète, 100 000 nouvelles recrues toutes les semaines. De quoi ne plus se sentir seul.

Espace. Site de réseau social, Facebook (trombinoscope en anglais) parie sur l'envie des gens d'échanger et de partager. En s'inscrivant, l'internaute décrit son profil, peut mettre en ligne sa photo, dire ses préférences sexuelles ou aussi décider de garder son profil secret pour le commun des «facebookers» et affiché pour ses proches. A chaque modification effectuée sur l'espace personnel, tout le monde est au courant que vous êtes en vacances, en voyage, etc. Cette réactualisation partagée peut donner lieu à des quiproquos. Thomas Crampton avait annoncé sur son Facebook son mariage. Avant de se raviser : trop intime. Il décoche la case marquée «Thomas Crampton est fiancé à Thuy-Tien Tran», ce qui envoit à ses amis le message suivant : «Thomas Crampton et Thuy-Tien Tran ne sont plus fiancés.» Drame.

Facebook permet aussi de mettre en ligne ses photos, d'écrire des notes, de laisser des messages aux amis, de décrire son humeur face au monde, voire de retrouver des gens. Comme Shandara le raconte sur son blog : «J'ai trouvé un cousin dont je connaissais l'existence mais ne l'avais jamais rencontré. Une tante aussi. Puis de fil en aiguille, j'ai trouvé un groupe sur ma ville de naissance(1).» Car on peut aussi former des groupes, sur des thématiques variées.

Le succès de Facebook, né dans le giron de Harvard en 2004, puis étendu aux autres universités et lycées, est spectaculaire. Fin 2005, il rassemblait plus de 17 millions de comptes, essentiellement anglophones. L'histoire a un air de déjà-vu : un étudiant, Mark Zuckerberg, bidouille un site dans sa chambre d'étudiant. L'invention emballe le réseau, L'étudiant devient dirigeant d'une start-up, à Palo Alto en Californie.

Goûts. Depuis septembre, Facebook, où on ne pouvait qu'entrer sur invitation, est ouvert à tous. En peu de temps, le site est devenu la sixième plus grosse audience après Google et le premier en partage de photos aux Etats-Unis. Tandis que les invitations affluent dans les boîtes électroniques de la planète, Facebook accroît ses potentialités. Ainsi, iLike, le site de recommandations de disques, permet aux facebookers de partager leurs goûts musicaux.

«Prédiction : Facebook sera le plus grand réseau social dans le monde», titre Paul Allen, cofondateur de Microsoft, sur son blog, en mai dernier (2). Car il ne faut pas s'y tromper, derrière l'amitié et les bons sentiments se cachent les gros sous. Pour Allen, ce pourrait «être la meilleure opportunité pour les entrepreneurs du Net des dix dernières années.» Quoi de plus rentable en effet qu'une communauté formée de dizaine de millions de membres, dont la moitié se connecte à son Facebook chaque jour ? Sa «viralité» est démoniaque. Il se dit que Facebook a détrôné Myspace autre site de réseau social. Sur un an, entre mai 2006 et mai 2007, Facebook a connu une augmentation de 89 % de visiteurs uniques, selon Comscore. Des écueils commencent à se faire jour et des juristes d'Internet s'alarment des problèmes de protection de la vie privée. Notamment à propos d'images postées qui n'étaient pas destinées à être vues par tout le monde. Seule parade : ne pas accepter la si délicate invitation d'Olivier.

(1) peeckwick. free. fr (2) www.paulallen.net

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