Le monumental concours de Wikimédia

par Virginie Malbos
publié le 9 septembre 2011 à 9h00
(mis à jour le 9 septembre 2011 à 9h15)

Des clichés de bâtiments qui traînent au fin fond d'un disque dur? Des photos de vacances volontairement vides de tout être humain et qui n'intéressent du coup pas grand monde? Détrompons-nous, il y a une place pour elles sur la toile. Durant tout le mois de septembre, plusieurs associations nationales Wikimédia organisent un concours de photographies de monuments , Wiki Loves Monuments, afin de «rendre l'héritage culturel européen accessible dans le monde entier» . «Ces bâtiments importants sont souvent endommagés ou détruits par le temps, au point que de nombreuses personnes dans le monde ne pourront jamais y accéder et apprendre des choses à leur sujet. Bien que certains soient protégés, une majorité d'entre eux ne le sont pas» . L'objectif est donc de leur fournir «une maison numérique» ouverte à tous.

Pour cela, Wikimédia compte sur la participation des photographes, amateurs ou non, qui sont invités à poster leurs clichés sur le site. L'opération avait déjà eu lieu l'année dernière aux Pays-Bas, et s'était conclue par l'arrivée de 12500 nouvelles photos libres de droits. Cette année, seize pays participent en parallèle au concours, et les photos des gagnants seront confrontés lors d'un second concours, au niveau européen. Adrienne Alix, directrice des programmes de Wikimedia France précise : «N'importe qui peut participer. Cela peut être des personnes qui habitent en France, mais aussi des gens qui sont venus y passer des vacances. Une même personne peut donc participer dans tous les pays, à condition que ceux-ci organisent le concours.»

Car il ne sera, par exemple, pas possible de proposer des photos venues d'Italie. «Là bas, la législation est différente et très restrictive quand il s'agit de prendre les monuments en photo, explique Adrienne Alix. Le problème existe aussi en France avec des architectures récentes.

Par exemple, la pyramide du Louvre, on ne peut pas. Beaubourg non plus. On ne peut pas accepter des photos de bâtiments qui ne sont pas dans le domaine public.» Pour faciliter la tâche aux internautes, Wikimedia a donc créé des listes comprenant pour chaque pays les monuments qui peuvent être immortalisés. «On a travaillé de manière à ce que les listes soient le plus complètes possibles. A terme, on pourra ainsi créer un article pour chaque monument historique qui sera, grâce au concours, illustré, et donc augmenter la qualité de ces pages.»

De nouveaux contributeurs

Au delà de l'opportunité d'engendrer une grande base de données photographique, la fondation espère aussi créer de nouvelles vocations de contributeurs. «Il y a énormément de personnes qui postent leurs photos alors qu'elles n'avaient jamais contribué , se réjouit la directrice des programmes. En lançant le projet, on ne savait pas comment il serait reçu, même si cela avait bien marché l'an dernier. En France , on en est déjà à 3 500 photos et en Europe on est au dessus des 22 000. D'ailleurs, la France est en tête des pays européens. La Suisse est deuxième, mais ils ont commencé le concours deux mois plus tôt.»

Une manière de répondre à la baisse des contributions enregistrée cette été? Adrienne Alix est plus nuancée. «Il y a en effet un tassement, voire une perte de contributeurs sur certaines versions linguistiques de Wikipédia. Ce n'est pas le cas pour la version francophone qui, pour l'instant, est la seule des très grosses versions à ne pas perdre de contributeurs. » Mais au niveau mondial, la Wikimedia Foundation a «des projets en cours pour essayer de remédier à cela : des études, des améliorations techniques sur l'interface de Wikipédia pour rendre la contribution plus facile, améliorer le dialogue entre contributeurs... » Côté français, on prévoit également d'instaurer de nouveaux projets, comme la mise en place d'ateliers d'apprentissage à la contribution avec des institutions culturelles ou éducatives.

Pédagogie de la licence libre

Ces mêmes institutions que Wiki Loves Monuments a essayé de toucher. «Nous avons organisé ce concours en septembre parce que c'est aussi le mois des journées du patrimoine. Mais nous n'avons malheureusement rien réussi à mettre en place avec les institutions culturelles françaises. Au niveau européen, nous bénéficions d'un bon soutien. Une personne du jury fera partie du Conseil européen et nous sommes soutenus par la Commission européenne. Mais c'est plus compliqué au niveau national. Peut-être que nous y arriverons l'année prochaine car tous les monuments ne seront pas pris en photo cette année, donc si le concours marche bien, on réitérera l'expérience.»

Avec ou sans l'aide des institutions culturelles ou éducatives, Wiki Loves Monuments remplit tout de même son objectif pédagogique, en mettant en avant le statut des photographies libres de droits. Car pour participer au concours, les photographies devront être chargées en CC by SA . Adrienne Alix détaille : «elles peuvent être reprises, modifiées de façon totalement libre voire même être utilisées à des fins commerciales, comme par exemple pour des cartes postales. Mais dans tous les cas, il reste obligatoire de citer l'auteur et de conserver leur statut de photographie libre et gratuite.» Cette obligation, inscrite dans l'ADN de Wikimedia, est parfois violemment accueillie. «Certains photographes n'envisagent pas de publier sous licence libre, ils considèrent que cela tue leur métier. Mais ces réactions un peu violentes nous poussent à monter des projets pour mieux faire connaître et comprendre ce genre de licences. Pour certains, le rejet complet vient souvent d'une méconnaissance.» Pour ceux qui tenteront l'aventure, des chèques cadeaux pour l'achat de matériel photographique et un baptême en hélicoptère feront office de récompense supplémentaire, venant s'ajouter à la satisfaction d'avoir ajouté sa pierre au monument.

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