Le patrimoine italien sous le scan de Google

par Frédérique Roussel
publié le 12 mars 2010 à 11h16

Google grignote du terrain, avale du papier pour le transformer en butin immatériel, en poussant les portes des bibliothèques de la planète. Sa dernière conquête n'est pas mineure. Après neuf mois de négociations, l'entreprise américaine a signé, hier, avec le ministère italien du Patrimoine et des Activités culturelles. Si elle a déjà noué des partenariats avec 40 bibliothèques (de l'américaine Harvard à la française de la ville de Lyon ), dont huit en dehors des États-Unis, et parfois avec des régions comme la Catalogne et la Bavière, elle n'avait encore jamais pactisé avec un gouvernement.

L'accord prévoit de numériser un million de livres du domaine public, issus des collections des Bibliothèques nationales de Rome et de Florence. Ces œuvres seront ensuite mises en ligne et s'ajouteront à la grosse pile de Google Books, c'est-à-dire 12 millions de titres devenus des fichiers depuis 2005. Toujours avec le même affichage philanthropique : «Une fois que les livres auront été numérisés, les œuvres de Dante, Pétrarque, Leopardi et Manzoni seront disponibles pour les populations de Gênes à Nairobi.»

Concrètement, Google va s’occuper des 285 000 titres déjà catalogués par le Service national des bibliothèques italien, qui seront ensuite complétés par d’autres œuvres durant deux ans. Dans les trésors de la bibliothèque de Florence qui vont passer sous les feux du scan, on trouve des travaux scientifiques rares du XVIIIe siècle et, dans celle de Rome, les écrits de Kepler et de Galilée, sans compter des herbiers du XIXe.

Quid du contrat ? Le moteur de recherche dit s'engager à fournir aux bibliothèques des copies numériques des livres pour leur permettre de les rendre accessibles aux lecteurs sur d'autres plateformes. Et, précision de taille, sur des projets comme Europeana , la version numérique européenne lancée fin 2008 pour faire contre-feux à Google et qui vivote depuis. Cet accord, qui montre un assouplissement du géant américain, sera décortiqué. Il devance la charte sur laquelle planchent les bibliothèques nationales européennes qui vise à poser, au nom de l'intérêt public, des exigences minimales à l'égard des entreprises privées.

«Nous prenons en charge le coût de la numérisation et un centre de scannage va être implanté sur place, l'Italie ne voulant pas voir sortir ses livres» , précise Bill Echikson, porte-parole de Google Europe, joint à Rome. Impossible de connaître le prix de l'opération. Le directeur général pour la valorisation au ministère italien de la Culture, Mario Resca, ex-directeur de McDonalds Italie, l'avait chiffrée, si elle avait été de la poche de l'Etat, à 100 millions d'euros.

Google, qui se délecte de cette annonce, espère qu'elle fera des petits. «L'accord a une signification politique forte , s'est réjoui hier le ministre italien de la Culture, Sandro Bondi. L'Italie se positionne ainsi à l'avant-garde dans ce secteur.» Signer ou pas avec Google, telle est la question qui se pose en France, en haut lieu, depuis l'été dernier . Google ne serait pas fâché que cette France, qui regimbe toujours si fort, suive l'Italie.

Paru dans Libération du 11 mars 2010

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