Le petit libraire, les géants du Net et la TVA

par Frédérique Roussel
publié le 5 novembre 2011 à 14h40

L'image de David contre Goliath ou du Vaillant Petit Tailleur s'impose à l'esprit. Un modeste et volontaire libraire en ligne français a décidé de monter au créneau contre «quelques grandes multinationales qui profitent de la mutation technologique pour asseoir leurs emprises sur un secteur du livre déjà fragilisé par la crise» . Bernard Strainchamps, ex-fondateur de Mauvaisgenres, site pionnier sur le polar, écœuré, songe même à arrêter Bibliosurf, sa librairie lancée sur le Net en 2007.

Pour celui qui propose un catalogue papier et 72582 titres numériques, le premier grief vise le nouvel algorithme de Google arrivé en France mi-août. Google Panda, conçu pour donner des résultats plus pertinents aux recherches , a fait tomber son trafic de plus de 40% en septembre. Il n'est pas le seul. Selon la Tribune , le PDG du comparateur de prix Twenga a l'intention de porter plainte devant la Cour européenne pour abus de position dominante.

Autre avanie, le manque d'interopérabilité entre les lecteurs. «Le client est libre d'acheter où il veut son livre numérique et ne doit pas être captif d'un système.» D'où sa pétition pour «une égalité de traitement à l'heure de la dématérialisation» , lancée le 27 octobre comme une bouteille à la mer. Visés, les mastodontes Amazon et Apple, aux sièges basés au Luxembourg. «Pour les ventes de livres numériques, ces sociétés ne reversent même pas la TVA à l'État français, bénéficiant d'une exonération» , souligne la pétition. En France, dans l'attente qu'elle s'harmonise un jour sur celle du papier (5,5%), la TVA sur le prix du livre numérique est de 19,6%, reversée par les libraires à l'État, mais de 15% au Luxembourg. «On voit là un des premiers cas concrets de montée au créneau contre les multinationales du numérique» , estime Alain Pierrot, convaincu du rôle à jouer des libraires.

Quant aux effets des différences de TVA, légales, la situation changera en 2015, souligne Enrico Turrin, de la Fédération des éditeurs européens à Bruxelles. «La directive 2008-8-EC préconise que "pour toutes les prestations de services numériques, le lieu d'imposition devrait, en principe, être celui où la consommation effective a lieu".» Mais sur Internet, trois ans, c'est une éternité.

(1) Auteur avec Jean Sarzana d' Impressions numériques (Cerf).

Paru dans Libération du 4 novembre 2011

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus