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Libération

Le piratage, une épine dans le «cloud» de Sony

par Olivier Seguret
publié le 2 mai 2011 à 0h00

Y a-t-il pour les gamers des leçons à tirer du crash spectaculaire qui a mis sur le flanc le PlayStation Network (PSN) depuis bientôt deux semaines ? C'est Sony, certes, qui a fermé de son propre chef ses réseaux de services en ligne (jeux, musiques, films, etc.). Mais il n'existait probablement pas d'autre choix pour protéger ce qui pouvait encore l'être après «l'intrusion externe» dont la multinationale des loisirs électroniques a été la cible : ce sont pas moins de 77 millions de comptes d'utilisateurs dont les données sont susceptibles d'avoir été siphonnées par les hackers (ou des crackers).

Cet événement, dont The Economist estime qu'il pourrait devenir «la plus grande violation de données privées depuis l'avènement de l'Internet», est lourd de menaces pour Sony, qui a fondé, à l'instar des plus grands groupes mondiaux (de Apple à Amazon, de Google à Microsoft, de Fox Inc. à Disney) une large part de sa stratégie industrielle sur le développement, via la PS3 et le PSN, de ce qu'on appelle le «cloud», cette nébuleuse immatérielle où nous serions destinés à déposer tôt ou tard la totalité de nos coordonnées numériques et de nos contenus privés. Censé nous décharger de toutes les contraintes du stockage (manque d'espace et volatilité des hardwares) et de ses risques (endommagement des données, péremption des standards), le cloud est un bien joli concept d'avenir qui risque fort de voir sa crédibilité très entamée. Reposant sur un principe de confiance infaillible, il perd toute attraction et pourrait même devenir repoussant si la mésaventure de Sony tournait mal.

Les motivations des pirates sont redoutablement précises mais leur tactique obscure. Malgré les apparences, il ne faut pas lire la guerre, ouverte mais anonyme, qu'ils ont déclenchée comme l'expression d'une détestation des joueurs sur PS3, même si sur tous les forums dédiés du globe, on trouve la version locale de cette imploration : «Oui vous êtes super forts et puissants mais par pitié réglez vos comptes avec Sony comme il vous chante sans faire chier les joueurs !» C'est en effet à la seule multinationale que les hackers en veulent, depuis que celle-ci a engagé des poursuites judiciaires contre l'un d'entre eux, GeoHot, fameux pour avoir cracké la PS3 en janvier. Mais ce sont les joueurs qui font ceinture et c'est sur eux que plane le chantage malveillant d'un vol de coordonnées bancaires. Sony, indécrottablement orgueilleuse et secrète, a de gros efforts à faire pour essayer de mieux comprendre la communauté qu'elle affronte aujourd'hui et apaiser ses rapports avec elle. Mais les hackers, pour la respectabilité même de leur cause, seraient eux aussi bien avisés de mieux mesurer leurs dégâts.

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