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Libération

Les 400 coups de Boll

Le réalisateur allemand spécialiste des adaptations de jeux vidéo était à Paris ce week-end. On est allé le voir, sans gant de boxe.
par Alexandre Hervaud
publié le 9 septembre 2009 à 17h22

Dans son programme, l'Etrange Festival présente Uwe Boll comme «un maître de l'adaptation de jeux vidéo sur grand écran (...) en croisade contre les ayatollahs geeks» . En proposant ce focus en l'honneur du réalisateur allemand, le festival a surtout permis l'impensable : voir ses films, généralement confinés au marché du direct-to-dvd, sur grand écran. Trois longs métrages ont été projetés en présence du «maitre» le week-end dernier : Amoklauf (1994), Postal (2007) et Rampage (2009). On passera rapidement sur le premier, épouvantable gâchis trash et pédant qui furent sans aucun doute les plus longues 65 minutes du samedi soir.

_ Bande annonce un peu NSFW

Consternant récit de la vie d'un serial killer, l'essentiel d' Amoklauf se résume à un écran de télévision filmé en gros plan, avec tantôt des extraits du Juste Prix allemand en boucle, tantôt des scènes porno lors d'une longue, très longue séance de branlette meurtrière. «Le plus trash du film, c'est les vingt dernières minutes, alors évitez de partir avant» , prévient Boll en début de séance. Le filou sait bien se vendre et on comprend mieux comment il a pu séduire autant d'investisseurs dans sa carrière, puisque la pseudo fin trash se résume à une anodine tuerie filmée au ralenti sous 154 angles différents. «Je pensais à l'époque que ça serait mon dernier film» , explique Boll 14 ans plus tard, comme une excuse. Évidemment, il n'en fut rien... et tant mieux.

House of the Dead, Alone in the Dark, BloodRayne 1 et 2, Dungeon Siege... Le Boll-bashing aurait-il eu une telle ampleur si le brave homme, né en 1965 non loin de Düsseldorf, ne s'était pas entêté à réaliser et produire des adaptions de jeux vidéo ? Entre Uwe et la critique, on est clairement passé au stade du storytelling et de l'argument commercial, avec ces fameux combats de boxe organisés en 2006 contre ses détracteurs. Avec le recul, on sent clairement qu'au delà des critiques, Boll a surtout du mal avec la condescendance systématique accueillant ses films. «Ce qui m'énerve, c'est quand j'ai l'impression de relire à chaque fois les mêmes articles, les mêmes remarques. Alors que bon, franchement, autant on pouvait facilement critiquer Alone in the Dark et House of the Dead, mais sortir exactement les mêmes arguments pour parler de Dungeon Siege, c'est n'importe quoi, faut vraiment pas avoir vu le film !» . Sans aller jusqu'à approuver le bonhomme en vantant sa panouille heroic fantasy avec Jason Statham, Burt Reynolds et des orcs en plastique, on peut toutefois admettre que ce Dugeon Siege (alias King Rising en DVD par chez nous) surpasse sans difficulté ses premiers méfaits dans l'adaptation vidéoludique.

Souvent comparé à Ed Wood par ses opposants, Boll se voit plutôt comme un pendant germanique de notre Luc Besson national. Les éléments de comparaison (débauchage de stars US hors du système hollywoodien, adaptations de franchises, cinéma de genre, etc.) sont nombreux. Même s'il reconnaît ne pas avoir un quart du pouvoir de Besson dont il envie le carnet d'adresses, Boll admet : «en Europe, il n'y a que nous à faire ce genre de choses» . Dans le genre familiarités cinématographiques improbables, Boll aura eu cette réflexion géniale à un spectateur qui le comparaît à Michael Haneke : «la différence entre nous, c'est que lui va à Cannes et chope la Palme d'Or, pendant que moi j'ai des Razzie Awards » .

Les Razzie, parlons-en. En décernant à Boll le trophée du pire réalisateur en 2009 pour Postal, Dungeon Siege et Tunnel Rats , la moqueuse manifestation a mis dans le même panier trois œuvres totalement différentes du bonhomme, soulignant certes sa boulimie filmique, mais perdant par la même toute force critique. On peut l'avouer sans honte, Tunnel Rats est un film de guerre tout à fait regardable, tout comme les deux derniers métrages du bonhomme : l'étouffant huis clos carcéral Stoic , avec un Edward Furlong bien loin de Terminator 2 , et le furieux Rampage , qu'on est en droit de trouver infiniment meilleur que le pachydermique Elephant de Gus Van Sant dans le genre «récit d'un mass murder provincial».

Bande-annonce de Stoic

Bien qu'imparfaits, ces deux films non adaptés de jeux vidéo étonnent par leur maîtrise qu'on n'aurait guère soupçonné auparavant chez Boll. Même ses premiers détracteurs semblent revoir leur jugement, à en juger par la déclaration d'amour publique d'un confrère de Mad Movies au réalisateur. Le vilain petit canard à qui des millions de fans ont souhaité fourrer une Dreamcast dans le fondement serait-il devenu sérieux et respectable ? D'une phrase, avant de le quitter, il balaye toute inquiétude : «je commence bientôt le tournage de BloodRayne 3, ça se passe pendant la Seconde Guerre Mondiale et y'aura des vampires nazis, ça va être bon!» .

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