Les Anonymous toujours d'attaque

par Virginie Malbos
publié le 8 août 2011 à 19h27
(mis à jour le 15 mai 2012 à 12h03)

Après les félicitations, l'action. Alors qu'il y a deux mois , les Anonymous complimentaient - ironiquement s'il faut encore le préciser - le président syrien pour avoir su requérir toute leur attention, le groupe de hackers lui offre cette fois la preuve de cet intérêt, en s'attardant sur le site du ministère de la Défense. Dans la nuit de dimanche à lundi, les Anonymous ont ainsi décidé de refaire la décoration de la page web. Conservant le drapeau et ses étoiles rouges, ils ont opté pour l'apparition, au bout de quelques instants, du logo des Anonymous au milieu de celui-ci. Autre touche personnelle notoire: en haut de la page, un bandeau faisant défiler des images des troubles et de la violence dans le pays, toutes renvoyant vers des vidéos. En bas, le groupe de hackers avait ajouté des liens vers des sites de protestation contre le régime, et les pages Facebook et Twitter de la campagne contre les actions du président syrien Bachar el-Assad.

Capture d'écran du site du ministère

Visible désormais uniquement via le site miroir mis en place par les Anonymous - le site du ministère étant toujours inaccessible, ce détournement de la page d'accueil du site du ministère de la Défense aurait été réalisé, selon le code source du site, par un seul homme surnommé «Poppy», et était accompagné d'un message, en arabe et anglais.

«Au peuple syrien: Le monde est avec vous contre le régime brutal de Bachar Al-Assad. Sachez que le temps et l'histoire sont de votre côté – les tyrans utilisent la violence parce qu'ils n'ont rien d'autre, et plus violents ils sont, plus fragiles ils deviennent. Nous saluons votre détermination à rester non-violents face à la brutalité du régime, et nous admirons votre volonté de poursuivre la justice, et non la simple vengeance. Tous les tyrans tomberont, et grâce à votre courage Bachar Al-Assad est le suivant.

A l'armée syrienne : Vous êtes chargé de protéger le peuple syrien, et tous ceux qui vous ordonnent de tuer les femmes, les enfants et les personnes âgées méritent d'être jugés pour trahison. Aucun ennemi extérieur ne peut faire autant de dégâts à la Syrie que Bashar Al-Assad l'a fait. Défendez votre pays - soulevez-vous contre le régime! - Anonymous»

Ce «défacement» intervient alors que la situation s'empire en Syrie et qu'au moins 2 000 personnes auraient été tuées depuis le printemps, dont une cinquantaine dans la journée d'hier. Pour rappel, le groupe s'était déjà attaqué aux sites gouvernementaux de la Turquie, de l'Egypte ou du Yémen et avait soutenu les révoltes en Tunisie et en Libye. Les attentions des Anonymous ne sont ainsi jamais dévouées à un seul pays. Dans la nuit, le groupe a également publié les noms, dates d'anniversaire et immatriculations de 45 000 policiers équatoriens, et hacké le compte Twitter du ministère de l'Intérieur et de la Justice colombien. De son côté, LulzSec Brésil faisait fuiter sur son site huit gigaoctets de données empruntés à la police fédérale.

#AntiSec et #ShootingSheriffsSaturday

La veille, les Anonymous avaient déjà publié 10 gigaoctets de données sur la toile. Habitués à laisser filer ces informations sensibles le vendredi à l'occasion de leur «Fuck FBI Friday» aussi baptisé #FFF, ils ont ce week-end opté pour le #SSS avec le #ShootingSheriffsSaturday. Les données dévoilées, qui n'avaient rien à voir avec Bob Marley, concernaient près de 70 sites d'organismes chargés de faire appliquer la loi, pour la plupart des postes de police en milieu rural dans le sud et le centre des États-Unis. Des emails compromettants, des informations personnelles sur les agents, des vidéos de formation à la sécurité et des profils de membres de gang ont ainsi été dévoilés au grand jour.

Cinq numéros de cartes de crédit ont également fuité, dans le but de faire des «donations involontaires» . Contacté par Associated Press (AP), un des possesseurs de ces cartes a confirmé que de l'argent avait été volé sur son compte. Les Anonymous ont aussi posté plusieurs emails d'informateurs de la police, ayant demandé de témoigner sous l'anonymat par peur des représailles. L'un écrit pour prévenir que son oncle, délinquant sexuel et ancien sans abri, traîne du côté d'un Walmart. Un autre, pour prévenir qu'une odeur de drogue s'échappait d'une des maisons du voisinage.

«Discréditer et incriminer»

Dans un communiqué, les Anonymous expliquent avoir agi en représailles à la suite de l'arrestation de ses membres aux États-Unis et en Europe le mois dernier, qu'ils considèrent comme des «prisonniers politiques» . «Ces gouvernements et ces sociétés sont nos ennemis [...] Nous allons continuer à les combattre, avec toutes les méthodes que nous avons à notre disposition, et cela inclut d'hacker leurs sites Web et d'exposer leurs mensonges.» L'action s'inscrit dans le cadre de l'opération #AntiSec menée contre toutes les forces de sécurité de la planète. Ils ajoutent : «Nous allons libérer une quantité massive d'informations confidentielles qui va (embarrasser), discréditer et incriminer les agents de police à travers tout les USA» . Ils espèrent ainsi que la fuite serve à «démontrer le caractère intrinsèquement corrompu du système d'application des lois en utilisant leurs propres mots» et à «perturber et saboter leur capacité à communiquer et à terroriser les communautés» .

Informés de cette cyber-attaque, les fonctionnaires de police se sont d'abord montrés indifférents, avançant que cela n'était pas inquiétant. Mais durant le week-end, quelques cibles, principalement des bureaux de shérifs dans l'Arkansas, le Kansas, la Louisiane, le Missouri ou le Mississippi, ont confirmé les attaques. Tim Mayfield, un chef de police de Gassville, en Arkansas, a déclaré à AP que certains des documents mis en ligne - y compris des photos de jeunes filles en maillot de bain - lui avaient été envoyés dans le cadre d'une enquête en cours, sans toutefois fournir plus de détails.

Hébergés par la même société, les sites étaient pour les experts en sécurité une cible facile pour les Anonymous. Beaucoup sont désormais indisponibles, ou ont été nettoyés de tout contenu. L'intense activité des Anonymous ce week-end semble vouloir illustrer leur credo depuis l'arrestation et la comparution la semaine dernière de Topiary, l'emblématique porte-parole des LulzSec , qui a par la suite mis son humour au service de la communication des Anonymous : «On ne peut pas arrêter une idée» .

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