Les Sages disent non au «fichier des gens honnêtes»

par Sophian Fanen
publié le 22 mars 2012 à 20h01

Invoquant l'atteinte au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel a censuré la création d'un fichier géant faisant partie d'une proposition de loi instaurant une carte d'identité biométrique pour lutter contre les usurpations d'identité.

Saisi par «plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs» sur ce texte adopté le 6 mars, le Conseil constitutionnel rappelle que cette base de données géante, désigné par ses détracteurs comme le «fichier des gens honnêtes», aurait contenu l'état civil du détenteur de la nouvelle carte d'identité, mais aussi son domicile, sa taille, la couleur de ses yeux, deux empreintes digitales et sa photographie. Des données centralisées auxquelles auraient eu accès en permanence les policiers et gendarmes «pour les besoins de la prévention et de la répression de diverses infractions, notamment celles liées au terrorisme» , comme le stipule l'article 10 de la proposition de loi.

Si l'instauration d'un tel fichier est «justifié par un motif d'intérêt général» (la lutte contre la fraude et sécurisation de la délivrance des titres), celui-ci porte atteinte au «droit au respect à la vie privée» , ont donc considéré les Sages.

Ceux-ci pointent en particulier la nature des données enregistrées (comme les empreintes digitales), l'ampleur du fichier (qui concernerait la quasi-totalité de la population française) et «les caractéristiques techniques» qui permettent son interrogation à d'autres fins que la simple vérification d'identité d'une personne. «En permettant que les données enregistrées dans ce fichier soient consultées à des fins de police administrative ou judiciaire, le législateur aurait omis d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire» , poursuit le Conseil.

Outre la disposition sur le fichier, le Conseil constitutionnel a aussi censuré un article qui donnait à la futur carte nationale d'identité biométrique la fonction de signature électronique, «ce qui la transformait en outil de transaction commerciale» via une puce optionnelle. Le Conseil a sur ce sujet «relevé que la loi déférée ne précisait ni la nature des données au moyen desquelles ces fonctions [de signature électronique] pouvaient être [utilisées] ni les garanties assurant l'intégrité et la confidentialité de ces données. La loi ne définissait pas davantage les conditions d'authentification des personnes [utilisant] ces fonctions, notamment pour les mineurs.»

Les juges constitutionnels ont en revanche validé l'article instaurant la carte d'identité biométrique à des fins de lutte contre le phénomène d'usurpations d'identité qui touchent plusieurs milliers de personnes par an.

(Avec AFP)

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