Critique

Les admirables femmes de «Neiges»

Crocus. Premier film subtil sur un village bosniaque sans hommes après la guerre.
par Eric Loret
publié le 8 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 8 octobre 2008 à 6h51)

Un joli film, comme on dit, qui coule, pur comme l’eau des stalactites au printemps. Car malgré son titre hivernal, c’est plutôt le beau temps qui règne ici, et le renouveau. Chaque visage est filmé comme s’il émergeait du temps, comme s’il remontait à la surface d’une image un peu troublée et sombre - en termes techniques : faible profondeur de champ sur son coulis de clair-obscur.

Les actrices sont formidables (Zana Marjanovic tout en jeune tension retenue, Jasna Ornela Bery en quadra un peu revenue) et le scénario parvient à faire passer tranche de vie et message politique sans être ni démonstratif ni misérabiliste. La réalisatrice, Aida Begic a 32 ans et c’est son premier long-métrage.

Slavno est un village bosniaque après la guerre. Il n’y reste que les femmes, les enfants et un grand-père qui s’occupe essentiellement à enseigner l’islam à son petit-fils et à lui couper les cheveux, car ceux-ci repoussent à une vitesse littéralement fantastique, au rythme de ses cauchemars. On est en 1997 et dans ce champ de ruines, les femmes vivent en fabriquant des conserves tout en songeant aux disparus, dont elles espèrent le retour. Ces figures féminines se répartissent en trois modi supervivendi : il y a Nadija, quadra, un peu légère, un peu résignée, pragmatique et sympa. Alma, jeune, forte et lucide, attachée aux principes et qui, quoiqu’apparemment opposée à sa belle-mère Safija, partage avec elle le sens de l’éternité et de la tradition. Elle porte le foulard, comme la réalisatrice. Enfin, Sabrina, qui rêve d’Amérique et n’a pas fait son deuil : elle ne sera pas moins efficace que les autres pour lutter contre les Serbes qui viennent, vers le milieu de l’histoire, acheter le village en se dédouanant des horreurs de la guerre.

Quoique tout en subtilité, le film n’en repose pas moins sur les valeurs de la «famille» et de la «communauté», versant spiritualiste et anticapitaliste. Ce n’est pas forcément notre politique, mais comme on dit au café du commerce, on n’a pas été ravagé pour savoir si on aura toujours les idées larges après.

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