Les francs-maçons aux premières loges

par Isabelle Hanne
publié le 1er mars 2012 à 12h20

La franc-maçonnerie est, pour le moins, un marronnier pittoresque. «Folklorique» , dira même Laurent Joffrin, le patron du Nouvel Observateur . Son magazine, tout comme le Point ou l'Express , consacre pourtant régulièrement sa couverture aux «frères». Douze pour l'Express , huit pour le Point , six pour l'Obs ces dix dernières années. L'Express , en tête, fait environ une couv par an, à n'importe quel moment de l'année. Le Point , lui, dégaine sa couverture francs-macs au mois de janvier depuis 2007.

En dix ans, les newsmags ont examiné les francs-maçons sous toutes les coutures. L'Express a étudié leurs «combines» , «ce qu'[ils] cachent» , leur «guerre ouverte» , leur rapport avec «l'Elysée, la droite», et même «comment on devient franc-maçon» . Au Point , on les a vus avec «les présidentiables» , on a listé leurs «bastions» , étalé en une «les nouveaux francs-maçons» , ceux «de Sarkozy» , puis «la main invisible» . Enfin, l'Obs s'est interrogé sur leur «nouveau défi» , sur leur «vrai pouvoir» , puis a révélé leur «grand déballage» et les a montrés «en campagne» pour la «présidentielle» .

«Quand ma direction me demande de rédiger un dossier de couverture sur la franc-maçonnerie, j'imagine qu'un petit surcroît de ventes est espéré» , reconnaît François Koch, le spécialiste de la question à l'Express . Bien que ce «surcroît» ne touche que les ventes en kiosque, une petite proportion des ventes totales d'hebdos, qui reposent essentiellement sur l'abonnement. Le plus gros succès de François Koch remonte à 2002, quand «Le grand retour des francs-maçons» s'était vendu à 112000 exemplaires. Suivi par sa couv de 2008, «Les francs-maçons et le pouvoir», qui «outait» Xavier Bertrand et s'était vendue à 106000 exemplaires. «Nos trois dernières couvertures franc-maçonnes ont à peine dépassé 73000 exemplaires [soit la vente moyenne de l'hebdo en kiosque, ndlr] , précise le journaliste. Ce n'est pas un marronnier lucratif, contrairement à ce qu'affirment les mauvaises langues.»

Quels lecteurs ces couvs francs-maçons attirent-elles ? Les frères eux-mêmes, aujourd'hui 160000 en France ? «Pas forcément , répond François Koch. Certains frangins m'avouent qu'ils se précipitent en kiosque à chaque fois, d'autres me disent qu'ils en ont marre. Ceux qui ne résistent pas veulent savoir ce qu'un magazine comme l'Express écrit à leur sujet. Je révèle toujours des informations tenues secrètes par les hauts dignitaires de leurs obédiences.» Et les lecteurs profanes ? «Les mystères, les rituels ésotériques ou loufoques excitent toujours la curiosité de bien des lecteurs , affirme Koch. Mais il y a aussi tous les fantasmes autour des pouvoirs supposés des réseaux francs-maçons.»

Les patrons d'hebdo n'assument qu'à moitié cette quasi-obsession pour le tablier. Si Christophe Barbier ( l'Express ) y croit encore («Il y aura toujours des choses à raconter sur la franc-maçonnerie : comme les énarques, c'est une des structurations de l'Etat français»), Laurent Joffrin ( le Nouvel Obs ) estime que le sujet fait moins vendre : «Ça finit par s'user, tout le monde en fait maintenant. En plus, ils n'ont pas tant de pouvoir que ça.» Même son de cloche chez Franz-Olivier Giesbert, du Point : «On a l'impression d'en avoir fait le tour. Le lecteur finit par se lasser. Il faut rester créatif : si on se repose sur des vieilles recettes, ça ne marche plus.»

Paru dans Libération du 28 février 2012

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