Critique

Les hoquets de la méthode Coen

Disquette. Les frères cinéastes réutilisent leurs vieilles recettes et rient parfois tout seuls.
par Didier Péron
publié le 10 décembre 2008 à 6h51

Après la consécration internationale pour leur adaptation du roman de Cormac McCarthy, No Country for Old Men, les Coen auraient pu tenter de garder le cap, mais un démon les poursuit qui les incitent à se comporter comme des marioles à l'heure où une nouvelle aura de respect se formait autour d'eux.

Calamités. Cette tendance bullshit aboutit avec Burn After Reading à un film qui mélange à grosses poignées plus ou moins sous contrôle des éléments du film d'espionnage, du vaudeville et de la farce politique. Osbourne Cox (John Malkovich), analyste à la CIA, est viré pour cause d'alcoolisme. Furieux, il décide de tout balancer en écrivant ses mémoires. Par une turpitude de scénario, une disquette de ses premières notes tombe entre les mains de Chad Feldheimer (Brad Pitt) et Linda Litzke (Frances McDormand), employés d'une salle de sport, Hardbodies.

Chad, qui a la maturité d'un enfant de 5 ans, essaie de faire chanter Cox et de lui extorquer de l'argent contre la disquette. Il faut dire que Linda a besoin de fric pour une opération de chirurgie esthétique qui lui permettrait d'avoir l'air d'une sportive et non d'une «grosse vache». Harry Pfarrer (George Clooney), marshal fédéral, couche avec la femme d'Osbourne Cox, puis avec Linda qui, par ailleurs, tente de négocier la disquette avec les services secrets russes. On laissera aux spectateurs la découverte des calamités de plus en plus absurdes qui découlent de l'agitation de cette bande de demeurés.

Bérézina. Les Coen sont des rottweillers hilares. Au fond, comme le psychopathe à frange de No Country for Old Men, ils ont toujours plus ou moins joué le sort de leurs personnages à pile ou face pour finir par leur tirer quoiqu'il arrive un bon coup de carabine en pleine face. L'humanité mourante qui parfois parvient à s'exhaler de leur nihilisme sarcastique provient soit de la beauté même de leur mise en scène, soit de la résistance de l'acteur à leur sadisme. Burn After Reading passe à la broyeuse les prétentions américaines à tout observer, prévoir et contrôler. Washington, où se déroule l'intrigue, vit sous l'emprise des espions (qui ne comprennent rien) et des hystériques de la gym (qui se mêlent de tout). Le nerf de la bérézina est double : sexe et argent. On peut voir le film, à la limite, comme une manière pour les Coen de solder le règne paranoïaque de l'idiot Bush qui a entraîné le pays vers ses pires instincts.

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