«Les internautes veulent aider les créateurs»

Peter Sunde a créé le système de rémunération Flattr.
par Erwan Cario
publié le 2 avril 2010 à 12h37

Face au concept de Flattr , deux types de réactions. L'incrédulité forcément, car un système qui permet aux internautes de payer sans aucune contrepartie semble voué à l'échec tant il est éloigné du modèle marchand classique. Ou l'optimisme, parce que c'est inédit et on ne peut pas savoir avant d'essayer. Qui aurait parié, en 2001, sur le succès d'une encyclopédie alimentée par les internautes et librement modifiable ?

Flattr permettra de payer une somme fixe mensuelle. En surfant, l’internaute pourra appuyer sur un bouton «Flattr» sur les blogs, les sites d’artistes, ou sur toute autre plateforme de création. Sa contribution sera répartie ensuite entre tous les projets qu’il a décidé de soutenir. Aux commandes, le suédois Peter Sunde, alias Brokep, par ailleurs cofondateur du site de partage The Pirate Bay.

Comment vous est venue l’idée de créer Flattr ?

Il y a environ deux ans, le débat en Suède concernant le financement sur Internet était très virulent, et personne n’essayait une approche différente : utiliser comme base de réflexion la philosophie même d’Internet. Je voulais que les gens ne soient pas obligés de payer. Les gens essaient, testent, et ne donnent une valeur aux choses qu’une fois qu’ils savent ce que c’est. Personne ne paie pour Internet en tant que tel, on paie pour avoir accès à toute l’information. Je voulais faire quelque chose qui soit basé sur les mêmes principes.

Y a-t-il un lien entre The Pirate Bay (TPB) et Flattr ?

Oui, c’est à peu près la même chose. Le but de TPB était de combattre la position dominante des grosses corporations médiatiques. Flattr est aussi un moyen de le faire, en supprimant les obstacles qui empêchent d’avoir un système de paiement simple et efficace. Il s’agit de reprendre la main et de continuer à rémunérer les créateurs, mais pas les intermédiaires.

Quel est le modèle économique de Flattr ?

Pour l’instant, nous prélevons 10% de la somme versée. Ce chiffre est assez haut, mais notre espoir est d’arriver à une situation où nous pourrons le diminuer tout en étant rentable. Si nous ne le sommes pas, nous ne pouvons pas survivre. Mais diminuer notre prélèvement permettra à terme d’attirer plus de personnes, ce qui sera bénéfique à tous.

Ce n’est pas un peu utopique, de penser que les gens payeront sans y être contraints ?

Non, pas vraiment. Ils veulent réellement aider quand ils savent que l’argent arrive aux bonnes personnes, sans trop de prélèvements. En même temps, la notion de prix d’une chose disparaît avec Flattr. Il s’agit moins de savoir combien coûte ce qu’on veut que de se demander combien de personnes on peut aider. Nous pensons que ça peut marcher, parce que les gens ont toujours voulu aider les créateurs.

Ça se rapproche du mécénat global, défendu par Richard Stallman, le gourou du logiciel libre…

Eh bien, Flattr peut être considéré comme un système de mécénat, d’un certain point de vue. Richard Stallman a toujours été intéressé par le fait de mettre en place un système similaire.

Comment allez-vous promouvoir Flattr sur le Net ?

Nous allons commencer au niveau local et nous avons invité des Suédois à nous rejoindre. Et nous espérons nous ouvrir à l’international d’ici quelques mois. Les internautes connaîtront notre existence par les blogueurs, les artistes et les sites qu’ils aiment. C’est avec eux que nous tenterons de nouer des partenariats.

Y aura-t-il un espace «freemium» (où l’utilisateur accède à du contenu exclusif) ?

Non, nous ne sommes pas intéressés par le fait de bloquer un contenu. C’est politique. Nous ne voulons pas que notre système serve pour des choses comme ça qui altèrent Internet d’une mauvaise manière.

Une date ?

On vise fin avril. Mais les deadlines sont faites pour être dépassées.

Paru dans Libération du 1 avril 2010

Sur le même sujet :

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