Les jeux gratuits de Kongregate virés de l'Android Market

par Camille Gévaudan
publié le 25 janvier 2011 à 18h00
(mis à jour le 26 janvier 2011 à 11h28)

On croyait ce genre de polémiques réservées à Apple, propriétaire d'un écosystème notoirement verrouillé et obscur appelé Appstore. Régulièrement, de nouvelles applications pour iPhone y sont proposées au téléchargement, connaissent un gros succès, puis disparaissent du jour au lendemain pour des raisons aussi arbitraires que discutables : le contenu était « potentiellement choquant», potentiellement offensant, potentiellement illégal... ou simplement en concurrence avec un service déjà présent sur l'iPhone, comme Google Voice .

Mais cette fois, c'est du côté d'Android qu'on déplore une disparition inexpliquée : Kongregate, le très populaire site de jeux en flash, a vu son application retirée de l'Android Market quelques heures seulement après son lancement. Google -- qui gère le développement d'Android -- a argué que l'application en question avait le pouvoir d'installer d'autres programmes sur le smartphone, ce qui est strictement interdit dans les conditions d'utilisation de la plateforme pour éviter l'existence de «marchés noirs» d'applications parallèles à l'Android Market. Les fans de Kongregate (que nous sommes, à Ecrans.fr...) et les internautes libristes s'en sont immédiatement émus : comment une plateforme si étroitement liée à un système d'exploitation libre et ouvert peut-elle ainsi fermer la porte au nez d'une star du web ? Sur une page d'annonce , Kongregate explique pourtant que l'application «Arcade se contente de lancer des jeux Flash via le navigateur d'Android et n'installe rien du tout, mais place des données en cache pour que les jeux se chargent plus rapidement.»

Il n'est pas question de douter des arguments de Google pour autant. Contrairement à Apple, qui supprime régulièrement des logiciels risquant de concurrencer ses propres activités, l'équipe de l'Android n'a a priori aucun intérêt particulier à faire disparaître Kongregate Arcade . L'application de jeu avait au contraire le potentiel de devenir une application phare des téléphone Android, puisqu'elle offre l'accès à plus de 300 jeux déjà populaires sur kongregate.com , là où les possesseurs d'iPhone ont plutôt l'habitude de calculer 1 application = 1 jeu. Et 300 jeux gratuits, par-dessus le marché, ce qui n'est pas sans bousculer un peu la routine des plateformes d'applications, qui ont construit toute leur (fructueuse) économie sur les micro-paiements pour des applications payantes.

Les raisons de cette marche arrière sont donc bien techniques, et toute la subtilité est de comprendre si Kongregate Arcade «télécharge» ses jeux ou les «installe» sur le téléphone comme des programmes indépendants. La question est aussi complexe que la réponse est limpide, explique à Ecrans.fr le PDG de Kongregate, Jim Greer : «tous les jeux sont lancés depuis le navigateur web mais effectivement, pour certains jeux, nous laissons à l'utilisateur la possibilité de le télécharger sur la carte SD du téléphone pour un lancement plus rapide. Mais ces jeux se lancent eux aussi dans le navigateur. C'est très différent de l'installation d'une application : les jeux Kongregate n'ont pas d'icônes sur le bureau du téléphone et ne peuvent s'ouvrir qu'à travers leur application mère, tout comme les e-books téléchargés ne peuvent être lus que dans l'application Kindle.»

Greer déplore la différence de traitement entre les applications de Kongregate et d'Amazon, qui ont pourtant, selon lui, un fonctionnement similaire. Il cite aussi Slacker, une application de radio qui procède de la même façon avec les pistes musicales. En réalité, «la clause problématique est tellement vague qu'elle pourrait s'appliquer à des centaines d'applications à contenu.»

«Prêts à modifier la façon dont fonctionne l'application» , les développeurs de Kongregate espèrent que Google acceptera de reconsidérer leur cas. Car si l'application reste téléchargeable directement depuis le net , fonctionner sans le Market revient à abandonner quelques clients en route : «certains opérateurs bloquent les téléphones de façon à ce que leurs abonnés ne puissent pas installer ce qu'ils veulent» , rapporte Jim Greer. Mais même s'il pense pouvoir faire connaître l'application sans cette vitrine officielle, une approbation de Kongregate Arcade par Google profiterait largement aux deux parties. Car Android présente un avantage de taille qui peut lui permettre de distancier Apple dans le domaine du jeu : la lecture «native» du format Flash. Les développeurs de jeux sur navigateur peuvent ainsi «porter » leurs créations directement sur mobile sans être obligés de réécrire leur code à partir de zéro comme ils le font pour l'iPhone.

Mise à jour 26/1/2011 : l'application est de retour sur l'Android Market dans une nouvelle version qui ne télécharge plus les jeux sur la carte SD. Seul le cache du navigateur est exploité.

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