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Libération

Les réseaux sociaux ne jouent pas l'ouverture

par Catherine Maussion
publié le 2 décembre 2008 à 11h09

Le web ne fait pas de miracles. On se comporte sur Internet comme dans la vraie vie. Avec toutefois quelques nuances. C'est ce qu' une enquête inédite dans la forme et sur le fond révèle aujourd'hui. Les chercheurs d'Orange Labs, alliés à la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) et Faber Novel, une start-up spécialisée dans l'innovation, étaient partis, entre autres questionnements, sur une hypothèse: les nouvelles façons de se mettre en scène sur le web, via des sites comme Facebook, Dailymotion, ou MySpace, aideraient les internautes de milieu plus modeste, employés ou ouvriers à étoffer leur carnet d'adresses en leur permettant de se tisser un réseau d'amis. Ainsi l'interactivité du web, dit encore le web 2.0, permettrait de sortir de ses frontières sociales. Le web serait ainsi un lieu, selon Dominique Cardon, sociologue chez Orange Labs, « où se rétablirait la balance » entre des cadres supérieurs ou assimilés habiles à créer leurs multiples réseaux, amical, familial, professionnel, et les autres moins aidés par leur naissance ou leur bagage culturel à se fabriquer dans la vie, des appuis.

« Finalement, le web, cela aide un peu » , conclut modestement Dominique Cardon.

Ce n'est pas la taille de l'échantillon qui est en cause: « On était parti sur 500 réponses et on en a eu 10000 » . Le site de Libération, en hébergeant l'enquête à son démarrage, a boosté la participation. La forme du jeu retenue pour cette enquête a séduit aussi les internautes. Au lieu d'un questionnaire classique, les sondés étaient invités à jouer à une sorte de quizz, détourné à des fins de sociologie, en choisissant des photos et des profils (profession, diplômes, hobbies, bagage culturel...). Deux quizz en réalité. Le premier sur l'impudeur. Le second sur le carnet d'adresses. Comment choisit-on ses amis ? Et comment l'origine sociale ou le bagage culturel structure t-il la démarche ? Les chercheurs étaient partis d'une hypothèse audacieuse: la moindre inhibition des gens de milieu populaire ou les classes intermédiaires à s'exposer sur le net devait les aider à nouer plus facilement des contacts avec des gens d'autres milieux sociaux. Alors que dans le monde réel, un ouvrier ne croise ni ne se lie aisément avec un médecin ou un professeur des écoles, il pourrait le faire plus facilement sur le web.

De fait, révèle l'enquête, les internautes d'origine modeste ou de culture populaire s'y essaient: « les ouvriers et employés adoptent clairement une stratégie pour élargir leur cercle relationnel au-delà de leur périmètre culturel ou économique de départ» , analyse ainsi Dominique Cardon.

Mais le succès n'est pas toujours au rendez-vous. Parce que les CSP + (traduisez, les catégories socioprofessionnelles supérieures, prof, médecins, avocats, patrons ...), comme les plus diplômés, filtrent davantage leurs contacts sur le web que les ouvriers, employés ou les moins diplômés. A la question «acceptez-vous les propositions d'amitiés» , les plus élevés dans l'échelle sociale sont beaucoup plus nombreux à regarder précisément le profil du requérant avant de se lier. Alors que les moins diplômés acceptent d'emblée ou simplement après avoir regardé la photo. Autre spécificité, les plus diplômés contrôlent davantage leur image et se montrent plus pudiques. « Leur image est beaucoup plus calculée, construite... » , explique Dominique Cardon. Mais cela ne les empêche nullement de prendre l'initiative pour contacter les autres alors que les plus modestes, plus exhibitionnistes sur le web, attendent plus volontiers qu'on les contacte. Bref cette inclination à fréquenter les gens de son milieu social ou de sa culture, est presque aussi vivace sur le web que dans la cité...

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