Libraires en ligne : ça arrive près de chez vous

par Frédérique Roussel
publié le 5 avril 2011 à 14h47

Il s'est fait désirer. Le portail de la librairie indépendante française lève enfin le rideau de fer. Douze ans après sa préfiguration dans des discussions entre libraires français. Onze ans après l'arrivée d'Amazon en France. Tout ce temps perdu, à cause de la bulle internet, de la difficulté à réunir les forces financières et de trouver un consensus dans une profession éclatée, débordée et plutôt individualiste. Il y eut des défections et des oppositions. Il y avait le casse-tête de concevoir une plateforme technique complexe. La tâche n'a pas été facile. Le lancement maintes fois reporté. Mais 1001libraires.com , au nom peut-être destiné à ensorceler l'internaute, accouche enfin.

Derrière la page d’accueil, une société gérante, PL2i. Un financement de 2,2 millions d’euros sous forme de prêts à taux zéro notamment du Centre national du livre (500 000 euros) et de fonds apportés par 36 librairies et associations de libraires. A l’ouverture, le site compte 65 librairies adhérentes avec l’objectif d’en avoir 200 dans les trois mois. Chacune peut disposer d’un site fourni clé en main pour y gérer son animation éditoriale.

A partir d'aujourd'hui, l'internaute peut donc commander ses livres imprimés et numériques dans un catalogue de 60 000 titres. Il peut décider de les recevoir par la poste, en quarante-huit heures à domicile, ou de les réserver dans la librairie la plus proche où il pourra aller le chercher dans les deux heures. Face aux gros sites de vente en ligne type Amazon ou la Fnac, c'est le point fort mis en avant par Gilles de la Porte, président de la société gérante PL2I et ex-patron de la librairie la Galerne au Havre : «Nous restons toujours dans la relation de proximité par rapport aux lecteurs et la géolocalisation ramène des acheteurs dans les librairies physiques.» Dans toute la France, 250 libraires seront géolocalisés à l'ouverture. Troisième axe de 1001libraires.com qui veut dépasser le simple système marchand : du contenu généré par les coups de cœur des libraires et une programmation originale, développée en interne, y associant des libraires. M@gazette propose notamment sept émissions mensuelles vidéo et audio, dont la Quinzaine des libraires en partenariat avec l'hebdomadaire la Quinzaine littéraire , Digitales sur le livre numérique, Essai libre sur sur les sciences humaines, Gonzo Bizarro sur la BD…

Bref, la librairie indépendante fait son Amazon, sans les atouts commerciaux du géant américain, comme la gratuité des frais de port (ils seront offerts au-delà de 25 euros). Mais elle tente de faire valoir la proximité et le conseil, et d'être présente sur le livre numérique après avoir raté le train du papier (1). «Nous devons nous mettre dans la boucle , ajoute Gilles de la Porte. La librairie n'existera plus si elle se refuse à y aller.» La masse cumulée des catalogues des grandes maisons indépendantes pourra peser davantage. En plus des 60 000 titres à l'ouverture, «il est envisagé d'agréger des libraires associés avec leurs stocks physiques , explique Christian Thorel d'Ombres blanches à Toulouse, pour arriver à une offre d'au minimum 250 000 références» . Les détracteurs sont nombreux. Qui protestent contre l'argent injecté dans un «machin» ; qui trouvent que la fonction de médiation du libraire pourrait être valorisée par des outils plus élaborés ; qui estiment que ce site coopératif met les libraires dans la position de spectateurs. Et qui jugent enfin que 1001libraires.com n'affirme pas assez sa raison d'être politique : damer le pion à Amazon et consorts. Message pourtant contenu dans son slogan : «Le site qui va plus vite que l'Internet.» Reste à le démontrer et à changer dix ans d'usages.

(1) Rencontres nationales de la librairie française à Lyon les 15 et 16 mai. Rens. : 01 53 62 23 12.

Paru dans Libération du 04/04/2011

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