Lionel Tardy : «On est dans un sketch pas possible !»

Rare député de la majorité à oser s'afficher contre le projet de loi Création et Internet, l'UMP Lionel Tardy s'exprime, sur son blog, sur le nouveau texte, adopté mercredi au Sénat.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 10 juillet 2009 à 11h46

Rare député de la majorité à oser s'afficher ouvertement contre le projet de loi Création et Internet, l'UMP Lionel Tardy s'exprime, sur son blog, sur le nouveau texte, adopté mercredi au Sénat. «On est dans un sketch pas possible ! a t-il déclaré hier sur BFM . Le texte initial était mauvais, il ressort encore pire du Sénat.»

Même si, à l'écouter, depuis des mois, il est en désaccord tant avec la philosophie qu'avec la mise en œuvre technique du projet, il veut cependant éviter à son parti de subir une nouvelle claque du Conseil Constitutionnel, dont il estime d'ailleurs qu'il a «été gentil dans son premier jugement» .

Il annonce ainsi : «je vais donc proposer un certain nombre d'amendements ( voir la liste ) pour rendre ce texte conforme à la Constitution et éviter (sans me faire d'illusion) l'humiliation d'une nouvelle censure du Conseil Constitutionnel, qui sera cette fois ci totale, si ce texte reste en l'état.»

Communications électroniques

Comme on l'évoquait hier , selon lui, un des principaux problèmes est le retour de la possible surveillance des communications électroniques, et notamment des pièces jointes des e-mails. «Le texte tel qu'il est actuellement rédigé ouvre la voie à la surveillance des mails, ce qui serait une violation du secret des correspondances privées.»

Séparation des pouvoirs

Dans le nouveau texte, c'est la haute autorité, l'Hadopi, qui notifiera aux fournisseurs d'accès Internet les suspensions, tiendra la liste noire des abonnés suspendus, et s'assurera que les peines ont bien été effectuées. «Alors que le Conseil constitutionnel avait clairement dit que le rôle de l'Hadopi était uniquement préparatoire à l'instance, (...) c'est une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs. C'est à la justice de faire exécuter les peines qu'elle prononce» , estime le député.

Il estime également que les agents assermentés de la Commission de Protection des Droits (CPD), «qui est une police privée vouée à la défense d'intérêts privés» , vont être dotés de pouvoirs de police judiciaire. «Les PV des agents assermentés de l'Hadopi feraient foi et le juge serait obligé de s'appuyer sur eux, sauf à en contester la véracité, ce qu'il ne sera pas en mesure de faire, faute de temps et d'informations. Pour lui, «on retire ainsi à la justice son rôle d'instruction» , portant une nouvelle fois atteinte au principe de séparation des pouvoirs.»

Non sécurisation de l'accès Internet

Le gouvernement a réintroduit le délit non surveillance de l'accès Internet, punissable de 1500 euros d'amende et/ou un mois de suspension de l'accès Internet. « C'est un véritable feu d'artifice d'inconstitutionnalité et d'inefficacité ! On arrive à ce résultat par le biais d'une acrobatie juridique assez inédite et culottée : le législateur ouvre la possibilité de prononcer une peine complémentaire pour, non pas une série de délits bien précis, mais pour toute une catégorie» En plus, peut-on lire dans l'exposé de l'amendement 11 : «c'est un chèque en blanc au pouvoir règlementaire, qui pourra par la suite créer de nouvelles contraventions de cinquième classe.»

Selon lui, cela est une «violation manifeste» du principe de légalité des peines et de proportionnalité : «qui exige que les sanctions et les peines soient établies par des textes clairs et précis. Mais c'est aussi une atteinte au principe de proportionnalité, qui veut que l'on ne sanctionne pas les petits délits par de lourdes peines.»

Pour éviter la présomption de culpabilité, le texte prévoit que ce soit la haute autorité qui prouve la «négligence caractérisée» de l'abonné. Une mesure «inefficace» selon le député «car le simple fait que des téléchargements aient eu lieu après l'envoi de plusieurs avertissements n'est en aucun cas une preuve que l'abonné n'a rien fait»

Offres triple-play et triple peine

«On retrouve intacts tous les problèmes techniques liés à la suspension de l'accès internet, notamment dans le cadre des offres triple-play» explique Lionel Tardy. Il critique également le retour de la double peine, c'est-à-dire le fait de faire payer à l'internaute l'abonnement pendant le temps de la suspension. Selon lui, c'est l'une des critiques sur laquelle le Conseil Constitutionnel s'était retenu lors de la première saisine «considérant qu'il n'était pas nécessaire de continuer le massacre. Il va pouvoir l'achever cette fois-ci ...»

Conclusion

«Le rôle des députés est de faire des lois applicables et qui correspondent à la Constitution. On donne le bâton pour se faire battre.

Ca me pose un problème de voter une loi inapplicable, mais si derrière, il est retoqué, je suis désolé mais le travail des parlementaires est remis en cause» a t-il indiqué hier à Franck Riester, à BFM.

Sur son blog, il conclut : « Je vais donc faire mon travail de parlementaire, dire ce que je pense de ce texte et voter en conséquence. Vous vous doutez bien que si mes propositions ne sont pas prises en compte, je voterai contre ce texte.»

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