Livres : Google peine à séduire les Européens

numérisation . Bruxelles examine depuis hier l’offre faite par le moteur de recherche américain.
par Frédérique Roussel
publié le 8 septembre 2009 à 0h00

Un «nouveau chapitre» à ouvrir. C'est ainsi que Bruxelles envisage la numérisation des livres en Europe, sur laquelle elle auditionne hier et aujourd'hui bibliothèques, éditeurs, etc. «L'Europe fait face à un immense défi culturel et économique : pour l'heure, 1 % seulement des livres des bibliothèques nationales européennes ont été numérisés», soulignent les deux commissaires chargés du dossier, Viviane Reding et Charlie McCreevy. Une paille, indubitablement, rapporté aux dizaines de millions de titres présents sur les rayonnages européens dont une majorité sont épuisés et orphelins (sans trace d'ayants droit). Problème, le coût de la numérisation est colossal.

Filon. Premier hôte de choix reçu hier à Bruxelles : Google. Le moteur de recherche américain a cinq ans d'avance, avec 10 millions d'ouvrages déjà numérisés. Google a compris depuis longtemps le filon que pouvait représenter à l'avenir de rendre numériquement accessibles les livres du monde entier, nouant des partenariats avec de grandes bibliothèques (30 à ce jour, dont 22 américaines) et se payant des batailles juridiques avec les détenteurs de droits.

Aux Etats-Unis, après deux ans de négociations, Google a signé fin octobre 2008 avec les auteurs et les éditeurs un accord qui prévoit de mettre en vente les livres qui ne sont plus disponibles dans le commerce du pays. Dans ce cadre, Google percevra 37 % des bénéfices, auteurs et éditeurs recevant 63 %, répartition gérée dans le cadre d’un «registre des droits d’auteurs». L’accord doit être soumis le 7 octobre à la justice américaine.

Les éditeurs et auteurs européens avaient jusqu'au 4 octobre pour se rallier à ce projet d'accord concernant les titres européens numérisés dans les bibliothèques américaines. En France, le Syndicat national de l'édition (SNE) a exprimé jeudi sa «ferme opposition» à un projet d'accord «qui n'est pas conforme au droit de la propriété littéraire et artistique, ni à la convention de Berne». Même réaction en Allemagne et en Italie. L'accord «viole plusieurs points de la convention de Berne sur les droits d'auteurs, qui affirme la nécessité d'un accord préalable pour toute utilisation des œuvres», a estimé vendredi l'Association nationale des éditeurs italiens.

«Solution». Conscient qu'il marche sur des œufs de ce côté-ci de l'Atlantique, Google a d'emblée annoncé des concessions dans une lettre aux auteurs et éditeurs européens, le week-end dernier. «Les livres qui sont disponibles dans le commerce en Europe seront considérés comme commercialement disponibles[aux Etats-Unis, ndlr]. De tels livres ne pourront être proposés aux utilisateurs américains qu'avec l'autorisation expresse des détenteurs de droits», rassure Google. Le groupe, qui lorgne les millions de livres tombés dans l'oubli en Europe, a donc vanté hier à la Commission européenne son accord signé aux Etats-Unis et ses partenariats avec les bibibliothèques. «Une meilleure compréhension des intérêts en jeu permettra à la Commission d'élaborer une solution véritablement européenne», avançait hier Bruxelles, qui souligne que «la numérisation est une tâche colossale qui doit être pilotée par le secteur public, mais pour laquelle le soutien du secteur privé est également nécessaire».

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus