Amendement européen anti-Hadopi: la scission

par Astrid GIRARDEAU
publié le 29 avril 2009 à 14h31
(mis à jour le 30 avril 2009 à 16h39)

Journée chaude autour du projet de loi Création et Internet. Alors que la deuxième lecture du texte doit démarrer en fin d'après-midi à l'Assemblée nationale, les yeux étaient d'abord fixés ce matin sur Bruxelles. Le Coreper (représentants des 27 pays membres de l'Union Européenne) devait en effet se prononcer sur le dernier texte de compromis proposé par le trilogue (Parlement, Conseil et Commission européenne), et soutenu par Catherine Trautmann autour de l'amendement 46. Si le Coreper s'est prononcé en faveur de cette dernière version, elle ne convient pas à certains, qui ont décidé de redéposer l'amendement 138 original .

Le texte adopté a été finalement séparé en deux parties : un article et un considérant (texte sans obligation légale qui vise à donner un cadre d'application). Ensuite l'une des questions était de savoir quels termes seraient retenus pour définir l'autorité ayant le pouvoir «de restriction des droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux» . Le texte original du 138 , voté à 88% par le Parlement Européen en septembre dernier, proposait que cela soit réservé à une «autorité judiciaire» . Ce qui évacuait clairement les autorités administratives telle l'Hadopi prévue dans la loi Création et Internet. Début avril, de son côté, le Coreper proposait d'y substituer une «autorité légalement compétente» , laissant une marge d'interprétation plus que large. Puis il y a une dizaine de jours, le trilogue optait pour un «tribunal indépendant et impartial» . Et c'est cette définition, (traduite ci-dessous) qui ne fait pas l'unanimité, qui a finalement été votée ce matin.

Article 1(3a) : «Les mesures concernant l'accès des utilisateurs finaux ou l'utilisation de services et d'applications via les réseaux de communications électroniques doivent respecter les libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en relation avec la vie privée, la liberté d'expression et l'accès à l'information et le droit à un jugement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi et agissant dans le respect du procès équitable en conformité avec l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme» .

Considérant (3a) : «Reconnaissant qu'Internet est essentiel pour l'éducation et pour la pratique de la liberté d'expression et l'accès à l'information, toute restriction imposée sur l'exercice de ces droits fondamentaux doivent être en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Concernant ces problématiques, la Commission devra lancer une large consultation publique» .

Selon Catherine Trautmann, la définition «tribunal indépendant et impartial» combinée au rappel à l'article 6 de la CEDH sont suffisants à rejeter les autorités comme Hadopi. Pas si évident et trop ambigüe, pour d'autres. Par exemple sur le fait que l'Union Européenne n'est pas liée à la CEDH, et donc qu'à la base cette référence est légalement un non-sens. Aussi, comme c'était prévisible, immédiatement après le vote, le texte original de l'amendement 138 a été redéposé. Guy Bono nous a déclaré qu'il soutiendra ce dernier «car juridiquement plus précis» , lors du vote en séance plénière du Paquet Télécom, la semaine prochaine.

Maj 17h : L'amendement 138 a été déposé par les Verts et les Libéraux. A noter pourtant qu'hier l'euro-député Alain Lipietz a déclaré à propos du texte de compromis : «de l'avis des Verts, ce texte est encore meilleur que le texte initial de notre amendement, et surtout mieux placé et juridiquement plus solide» .

Sur le même sujet :

_ - Le paquet télécom pourrait enterrer Hadopi, selon Trautmann

_ - Europe : Le retour en force de l'amendement anti-riposte graduée

_ - Europe: L'amendement anti-Hadopi sous pression

_ - Tir à vue sur l'amendement anti-Hadopi à Bruxelles

_ - Riposte graduée : L'amendement 138 de retour

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus