Lol tragique à TF1: deux morts

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 17 octobre 2011 à 11h06
(mis à jour le 17 octobre 2011 à 11h09)

A nous Jean Amadou ! À nous Jean Roucas, à nous Stéphane Collaro et même, c’est dire, à nous Pierre Douglas ! Oui, on en est là. C’est pathétique mais après une semaine de ce qui, contrairement aux apparences, n’est pas une déclinaison sur TF1 du théâtre des Deux Ânes, on en est là.

Cette semaine, 8,7 millions de téléspectateurs ont regardé Après le 20 heures, c'est Canteloup , la nouvelle pastille de cinq minutes où Nikos Aliagas sert de passe-plat à l'imitateur, lancée par la Une entre JT et météo. Un gros score, énorme même. À relativiser cependant quand on sait qu'avant le lancement de l'émission, un peu plus de 7 millions de téléspectateurs rôdaient déjà dans cette zone d'intense zapping d'une chaîne à l'autre, ce marigot fait de pubs à rallonge et de programmes courts sponsorisés.

À vue de pif, Plus belle la vie y a perdu au passage un tout petit poil d'audience et c'est l'objectif de TF1 : tenter de dégommer le soap marseillais de France 3. Et aussi garder ces infidèles de téléspectateurs qui ont le mauvais goût de se carapater de la Une entre le JT et le programme du soir. Enfin, seize ans après le décès du Bébête Show -- dans d'atroces souffrances pour le téléspectateur --, Après le 20 heures, c'est Canteloup marque le retour de la Une sur le terrain de l'humour politique. Ouais enfin… politique, faut voir ; l'humour, c'est non.

Jour 1

«Tada-tada-ta-ta-ta-taaa-tada.» La Marseillaise en générique d'un JT de TF1 ? Que n'ont-ils eu cette belle idée plus tôt ? Mais nooon, c'est celui d' Après le 20 heures, c'est Canteloup , pas celui du vraiii. Un peu de public, un décor dans l'habituel bleu police de TF1 évoquant celui, comme explosé, du journal de Laurence Ferrari, une table et deux bonshommes : à gauche, les voix (Nicolas Canteloup), à droite, les gloussements (Nikos Aliagas). L'actu est primaire, le premier sketch aussi : une parodie du Maillon faible avec les candidats socialistes imités à tour de rôle par Canteloup. Question : «Combien de temps DSK est-il resté dans sa mairie de Sarcelles dans toute sa carrière ?» Réponse de Canteloup-Hollande : «Comme dans Nafissatou Diallo, environ 7 minutes.» Ça fuse. Question à Canteloup-Montebourg : «Qui préférez-vous, François Hollande ou Martine Aubry ?» Réponse, des valets de pied et des candélabres dans la voix : «Je préfère, et de loin, Arnaud de Montebourg de la Patate Chaude de la Pétaudière.» Mettez des rires de côté, on va croûter sur ce gag toute la semaine. Retour au plateau, cette fois, armé d'une boîte de mouchoirs, Canteloup se fait la tête de Ségolène Royal (bon là, il faut imaginer un peu, parce que l'imitation à l'écrit, à part Charles Pasqua congue, c'est difficile). Evidemment, il nous la fait en larmes, Royal, distribuant ses tire-jus au public : «Regardez cette dame dans la précarité, elle a les fringues de Martine Aubry» (rires, oui, on précise). Puis, continuant de minauder, Canteloup-Royal s'assoit sur les genoux d'Aliagas : «Oh, je sens un désir d'avenir.» Et l'autre, dans son rôle de benêt offusqué, de se récrier : «C'est mon téléphone.» De ce jour, nous avons arrêté le désir, l'avenir et le téléphone.

Jour 2

On vous avait prévenu, Montebourg en nobliau infatué, c'est le running gag : «Mon nom n'est pas Arnaud Montebourg , chochotise Canteloup, mais Arnaheude de Montebourg du Bourrichon de la Patate Chaude» (rires du public, on espère, rémunéré). Car Montebourg doit choisir. Entre «François Hollandie du Pépito Contrit et Marie-Martine de Saint-Aubry de la Bajoue Flottante» (des arbres sont abattus afin que, dans un légitime souci d'information, nous retranscrivions ces vannes pourries). Les exigences de Montebourg : «Je demande un abonnement de cinq ans à l'Eléphant bleu pour laver les lunettes de Dame Audrey.» Suit une photo de ladite Pulvar et de ses carreaux géants. Là, on a eu un petit coup de mou. Las, c'était pas fini. Il fallait fêter la sortie de The Artist , alors Canteloup a fait Gilbert Montagné, tourné vers la gauche alors qu'Aliagas est à droite. Il fallait aussi aborder l'imminent accouchement présidentiel, alors Canteloup a fait Fabien Barthez : «Elle a accouché !» Aliagas : «Qui, Carla ?» «Non, Zahia !» rétorque Barthez. Aliagas, interdit : «Qui est le père ?» Chute : «C'est l'équipe de France.» Merci de nous écrire à Cimetière du Père Lachaise, Carré des Morts de rire, 8, boulevard de Ménilmontant, Paris.

Jour 3

On est mercredi et Après le 20 heures, c'est Canteloup est en plein dans l'actu de la rivalité Hollande-Aubry. Canteloup prend l'accent hollandais pour louer les mérites d'Aubry, «une femme politique avec un grand "p", une femme de qualité avec un grand "q"» . Oui, là, il parle bien du postérieur de celle qui sera peut-être présidente de la République et pourrait être amenée par ses fonctions à le poser sur le bouton atomique, son pétard. Et puis une «Alerte accouchement : le bébé présidentiel n'est toujours pas sorti, ceci est un message du ministère de l'Intérieur, de l'intérieur de la Muette.» Et puis Canteloup en DSK adepte du dépistage du cancer du sein. Et puis une alerte enlèvement suite à la disparition de Ségolène Royal de la vie politique : «Si vous la retrouvez, laissez-la où elle est.» Même pas on vous parle du Mentalist parodié en «Dentalist» pour se moquer des chicots de Didier Deschamps.

Jour 4

Au quatrième jour, nos nerfs sont dans une telle pelote qu'on en vient à regretter de n'avoir pas ri lundi à ces images de nageurs barbotant dans la mer, accompagnées de ce commentaire pourtant hilarant : «Les spermatozoïdes de DSK reviennent de New York à la nage.» Au quatrième jour, il nous faut l'avouer, on a appelé Canal + pour dénoncer Canteloup qui recycle sur TF1 les gimmicks -- notamment ceux de Hollande -- dont il use déjà en doublant les voix des Guignols . Eh ben figurez-vous qu'à Canal+, ils n'ont pas vu Canteloup depuis qu'a débuté son émission sur TF1, c'est du propre. Au quatrième jour, au prétexte fallacieux d'un trop court délai d'impression, nous n'avons pas regardé Après le 20 heures, c'est Canteloup . Au quatrième jour, devant notre écran noir, on a bien ri.

Paru dans Libération du 15 octobre 2011

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