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Libération

Loppsi 2 : Le filtrage pour faire baisser les signalements ?

par Erwan Cario
publié le 9 février 2010 à 21h04
(mis à jour le 9 février 2010 à 22h06)

Ca y est, les débats sur le projet de loi sur la sécurité intérieure, Loppsi 2 de son petit nom, ont débuté à l'Assemblée Nationale. S'il ne concerne pas exclusivement Internet ( lire l'article de Liberation.fr ), ce projet contient une série de mesures qui pourraient changer beaucoup de choses pour le réseau français. En effet, l'article 4 prévoit la possibilité de demander aux fournisseurs d'accès, sur décision judiciaire, de bloquer des sites pédo-pornographiques. La mise en place d'un système généralisé de filtrage du net est une première en France et soulève de nombreuses problématiques (déjà soulevées à plusieurs reprises, par exemple ici , ou ). Pourtant, Brice Hortefeux, lors de son discours de présentation de l'Assemblée, a considéré que c'est un sujet «sur lequel il va y avoir consensus» . Sans doute parce que personne n'oserait s'opposer à la lutte contre la pédo-pornographie. Mais est-ce vraiment ce dont on parle ?

Brice Hortefeux n'a consacré que quelques courtes minutes à cet article 4, évoquant un nombre croissant d'infractions et surtout une explosion des signalements. Selon le ministre, en 2009, il y en aurait eu 10900 pour pédo-pornographie. Donc, «10900 internautes ont visionné involontairement de telles images» , s'empresse-t-il de conclure. Passons sur le raccourci un peu rapide qui consiste à considérer qu'il y a un internaute différent derrière chaque signalement, et surtout que chaque signalement correspond réellement à un contenu litigieux. Numerama rappelle que «sur 4573 sites signalés à l'AFA comme pédo-pornographiques par les internautes en 2009, 987 avaient selon l'association un caractère "potentiellement illégal"» . Et le mot "potentiellement" est important.

Brice Hortefeux conclut le passage concernant l'article 4 en précisant que celui-ci est destiné à «protéger les internautes» et qu'un effort européen devrait être fait en ce sens. Le but est donc clairement que moins d'internautes tombent «involontairement» sur un contenu illégal. Avec comme seule référence le nombre annuel de signalements. Rappelons tout de même que, d'après la page de questions/réponses du site de signalements, «cette plateforme est intégrée à l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information et de la Communication» . Elle est donc là, entre autres, pour aider les policiers dans leurs enquêtes, voire en déclencher de nouvelles. Difficile de comprendre donc la logique du gouvernement. Comment lutter contre la pédo-pornographie en «luttant» contre les signalements? Mettre en place un système de filtrage aussi coûteux et risqué avec comme seul objectif de diminuer des "accidents" qui ne concernent qu'une infime partie de la population connectée (plus de 20 millions d'abonnements en France) semble un peu aberrant. Mais, là-dessus, il n'y a peut-être pas consensus.

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