Loppsi 2 : et pour quelques clics de cybercensure

par Erwan Cario et Alexandre Hervaud
publié le 16 décembre 2010 à 12h05
(mis à jour le 16 décembre 2010 à 12h23)

Débattu tardivement hier soir à l'Assemblée Nationale, le fameux article 4 de la Loppsi 2 a été adopté. Brice Hortefeux et ses soutiens sont donc parvenus à repousser l'intervention préalable du juge pour bloquer d'éventuels sites «illicites» (en particuliers ceux proposant de la pédopornographie, le cheval de Troie du filtrage), tout comme l'intervention de la Cnil, décidément muselée, ou la rédaction d'un rapport d'application annuel jugé «pas nécessaire» par le Ministre de l'Intérieur... Les amendements déposés par l'opposition pour amoindrir l'effet d'un potentiel filtrage du Net ont été rejetés à la chaîne.

S'il ne représente qu'une «petite» partie du projet de Loi, qui couvre des champs bien vastes, cet article 4 a mis depuis plusieurs mois le feu aux poudres sur le Net. Il fait partie du chapitre sur la lutte contre la cybercriminalité, veut protéger «les internautes contre les images de pornographie enfantine» en mettant en place une liste noire de sites qui devront être bloqués par les fournisseurs d'accès. C'est donc de la mise en place d'un système de filtrage d'Internet qu'il s'agit. Une première qui ne manque pas d'affoler les défenseurs de la liberté d'expression, qui redoutent la mise en place d'un mécanisme de censure qui pourrait être bien vite étendu à d'autres sujets moins «fédérateurs» . Comme WikiLeaks, attaqué par Eric Besson la semaine dernière. D'autant qu'il s'agit d'une procédure administrative et non judiciaire centralisée par l'Office de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC).

En janvier, à l'Assemblée nationale, le texte avait été amendé, imposant la décision d'un juge avant tout blocage. Mais il est revenu à son état d'origine en septembre au Sénat, avec une argumentation toute en subtilité de Brice Hortefeux : «Lorsque la maison brûle, on ne demande pas au juge l'autorisation d'envoyer les pompiers.» En novembre, un communiqué sur le sujet a fait grand bruit . Il venait de l'Ange Bleu, association nationale de protection de l'enfance, qui considère le blocage des sites comme une disposition «inefficace, contre-productive et dangereuse à l'égard de l'exercice démocratique» .

L’intervention du Conseil Constitutionnel est désormais pour les opposants à l'article 4 la dernière solution pour tenter de réintégrer l'autorité judiciaire dans le processus.

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