Loppsi 2, l'arrivée des mouchards

par Astrid GIRARDEAU
publié le 25 mai 2009 à 17h06
(mis à jour le 25 mai 2009 à 17h28)

Il y a deux semaines, on revenait sur la Loppsi 2 , la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Soit le nouveau plan anti-cybercriminalité (la version 1 date de 2002). Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, doit présenter son projet en Conseil des ministres mercredi prochain et de nouvelles informations apparaissent peu à peu. Après le filtrage, la pose de mouchards.

Hier, le Figaro a ainsi confirmé que la Loppsi 2 prévoit d'autoriser la pose de mouchards légaux pour capter des données numériques contenues dans un ordinateur ou qui transite par lui. Le sujet n'est pas nouveau. En février 2008, Michèle Alliot-Marie expliquait que cela permettrait par exemple «la captation de données au moment où elles s'affichent sur l'écran d'un pédophile ou d'un terroriste» . PC Inpact commentait alors : «Le terme de cheval de Troie n'a pas été utilisé, mais la démarche semble similaire.»

Le quotidien, qui s'est procuré l'article concernant «la captation de données informatiques» , apporte des précisions . Ce dernier autorise ainsi, «sous le contrôle du juge d'instruction» , les Officiers de police judiciaire «commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur» . Dans une version révélée par le Monde en juin 2008, il était précisé «telles qu'elles s'affichent pour l'utilisateur ou telles qu'il les y introduit par saisie de caractère» . Concrètement cela impliquait l'enregistrement des touches du clavier, ici absent.

«Aussi surprenant que cela puisse paraître, la justice, qui peut placer des caméras et des micros partout, n'avait aucun droit d'accès aux ordinateurs, sanctuarisés par un vide juridique» , note Le Figaro . Plus pour longtemps. Si ce texte est voté, il légalisera l'installation de spywares au nom de la lutte contre le crime organisé. Soit par exemple, la captation de données transmises via des logiciels sécurisés type Skype. L'espionnage, qui selon le quotidien se fera via la pose d'une clé de connexion sur la machine à surveiller, devrait être limité aux faits les plus graves (terrorisme, pédophilie, meurtre, trafic d'armes et de stupéfiants, etc.) et commis en bande. Il pourra durer quatre mois, renouvelable une fois, et concerner un lieu privé, un véhicule, comme un bureau. Seuls sont exclus les cabinets d'avocats, notaires, huissiers, médecins et entreprises de presse, ainsi que le domicile des magistrats, avocats et parlementaires.

Enfin, nos confrères pointent un autre article qui permettra à la police le rapprochement des fichiers concernant «toute infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement» . Dits «fichiers d'analyse sérielle». «Il suffira qu'un individu se soit trouvé à chaque fois ou presque là où une infraction a été commise, piégé par son mobile, sa carte bleue, un témoignage recueilli en procédure. Et son compte sera bon» , résume Jean-Marc Leclerc .

Le 28 avril dernier, Jean-Michel Planche se penchait sur l'aspect filtrage du projet , en expliquent que l'article 6 du texte prévoit d' «imposer aux fournisseurs d'accès à Internet l'obligation d'empêcher sans délai l'accès aux contenus illicites dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l'intérieur sous peine d'un an d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.» Une disposition que le président de Witbe qualifie «d'enterrement en première classe de la notion de Neutralité d'Internet» . La semaine dernière, il est revenu sur le sujet, sur son blog . Il estime qu'avec une telle mesure, «Internet sera le premier réseau de flux (les routes, l'électricité, le gaz, la poste ...) dont l'architecture et l'usage sera sous le contrôle d'un Ministère de l'Intérieur.» Et de se demander : «Que penser alors lorsque l'Internet deviendra le réseau fédérateur de la plupart de nos échanges, services et usages électroniques ?»

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