Los Angeles 1947, mythe en devenir

par Bruno Icher
publié le 3 août 2011 à 10h46
(mis à jour le 7 août 2011 à 12h11)

[Tourisme virtuel 3/6] . Grâce au jeu «L.A. Noire», une excursion temporelle dans la ville californienne pré-fifties.

Au lieu de vous entasser tels des veaux devant la grande roue de Santa Monica ou de vous oindre de crème indice 190 pour affronter en face le soleil de Malibu, allez donc vous balader dans Los Angeles en 1947. Ici, pas d’autoroutes, pas d’embouteillages, pas de touristes qui prennent en photo des intermittents déguisés en Elvis ou en Bob l’Eponge, pas d’hélicoptère qui traverse le ciel sans cesse. Que de grandes avenues ensoleillées, des voitures stylées, des jolis tramways rouges, des paysages qui sentent l’Amérique éternelle et suintent le cinéma en noir et blanc. Pour des raisons pratiques, il faut appartenir à la police locale. Cela permet de disposer d’un véhicule et d’avoir ses entrées un peu partout. Ensuite, il faut savoir se repérer grâce au petit GPS qui s’affiche en bas de l’écran. Enfin, il ne reste qu’à empoigner la manette pour choisir sa voiture, la belle décapotable grise tant qu’à faire, pour sillonner les boulevards bordés de palmiers et s’aventurer dans les quartiers chauds de la ville pour une balade sans fin dans la Cité des Anges, qui ne sait pas encore qu’elle en train de construire son propre mythe.

Histoire de commencer en douceur, il est de bon aloi de faire un tour sur le front de mer encore sauvage, vers Santa Monica, où une bordée de maisons bourgeoises s'est agglomérée sur la plage, autour du manoir édifié par William Randolph Hearst pour sa maîtresse, l'actrice Marion Davies, alors relativement sobre. En remontant Sunset Boulevard, on devine les villas délirantes derrière la végétation. Il faut juste dépasser le drugstore Schwab's où scénaristes fauchés, réalisateurs méprisés et agents au regard de mafieux guettent les starlettes prêtes à être découvertes. Tout le monde mange des glaces à la chantilly au comptoir. Plus loin, il doit y avoir l'hacienda mauresque de Norma Desmond, la star du muet oubliée à laquelle Gloria Swanson prête ses traits dans Sunset Boulevard , le film de Billy Wilder.

A l’heure de l’apéro, faites un détour vers Hollywood. Le boulevard est toujours peuplé, de nuit comme de jour. On y croise des paumés qui courent le cachet et des gens en habit de soirée qui vont acheter des bouquins dans les nombreuses librairies du quartier ou qui se dirigent vers le Brown Derby, le restaurant à la mode, le Garden of Allah, un des points de rendez-vous des producteurs, ou qui vont boire un coup chez Musso et Frank. Plus loin, après le Roosevelt Hotel, on croise les grandes salles de cinéma qui ressemblent comme deux gouttes d’eau au Pantages, au Capitan ou aux deux salles de Sid Graumann, le Chinese et l’Egyptian, qui ne sont encore que des temples baroques consacrés à la toute-puissante industrie locale du cinéma et pas des pièges à touristes.

Pour savoir qu'on arrive au centre-ville, inutile de chercher des hautes tours, elles n'existent pas encore. C'est même le contraire, avec des maisons de bois sur pilotis qui jouxtent de petits immeubles. Dans En quatrième vitesse , Robert Aldrich a filmé les derniers instants de ce Bunker Hill qui deviendra Downtown. Là, au hasard des rues, pullulent les petites échoppes où se vendent hamburgers et hot-dogs. Ce sont de petits commerces aux enseignes tarabiscotées qui, bien plus tard, seront rasés pour laisser la place aux fast-foods. Quand la nuit tombe, on ne saurait trop conseiller de faire un tour dans un des clubs de jazz de Melrose, les boîtes à strip-tease de La Braa ou les bars du Strip. Les enseignes lumineuses éclairent la route de toutes les couleurs. Mais juste avant, il reste une dernière chose à faire, essentielle et délicieusement interminable. Au soleil couchant, il faut monter les collines de Hollywood où quelques nababs des studios ont fait construire des maisons prétentieuses, splendides et confortables, derrière le coquillage géant de la salle de concert du Hollywood Bowl. Là, il faut attraper Mulholland Drive, une route sinueuse entre désert et ville. Avec un peu de chance, quelques nuages donneront cette teinte fushia au coucher de soleil. Et, au volant de la décapotable, on pourra même fumer une cigarette. En 1947, c'est encore autorisé.

Paru dans Libération le mardi 2 aout.

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