Marie-Christine Blandin : «Le texte pose des problèmes d'irréalisme»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 2 juillet 2009 à 14h06
(mis à jour le 2 juillet 2009 à 18h10)

Hier soir, la Commission des affaires Culturelles du Sénat a adopté le «projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet» . Nous avons contacté la sénatrice Verts Marie-Christine Blandin pour nous donner ses impressions sur le déroulement de la Commission, et sur la suite de l'examen du texte.

Comment s'est déroulée la séance en Commission ?

_ La majorité est venue en force. La réforme constitutionnelle autorise les ministres à être présents pour défendre leur propre posture dans le cas où ils ont un avis différent du rapporteur. Mais j'ai été extrêmement surprise car il y avait non seulement les deux ministres [Frédéric Mitterrand et Michèle Alliot-Marie ndlr], mais aussi quatre de leurs collaborateurs. Surtout le président de la Commission, Jacques Legendre, les a invité à s'exprimer tout de suite. On a eu une leçon des choses avant même d'avoir commencé à travailler. Et Michèle Alliot-Marie s'est permis d'invectiver des sénateurs, ce qui ne se fait pas en Commission.

L'opposition n'a pas participé au vote ?

_ Non, nous n'avons pas participé au vote. C'est ce qu'on fait en général quand on n'a pas encore aiguisé nos positions.

Vous n'avez pas non plus déposé d'amendements ?

_ Non. Car, avec la réforme constitutionnelle, si vous expliquez vos amendements en Commission, vous les déflorez. Avant, le texte soumis était celui du gouvernement, et tous les amendements déposés l'étaient en séance publique. Maintenant, ça se fait en deux temps. D'abord dans un cadre feutré qui n'est pas public, puis en séance publique.

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«La majorité va voter le texte, avec la moitié d'entre elle qui n'est pas convaincue.»

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Et vous comptez en déposer en séance publique les 8 et 9 juillet prochains ?

_ Je crois que le groupe socialiste n'en déposera pas. Du côté des Verts, on hésite à entrer dans une bataille juridique pour rétablir une vraie justice. D'ailleurs il est certain que la Commission des Lois aurait dû être saisie. Car on touche ici à la gradation des peines, à un jugement par ordonnance, aux droits de la défense, à une instruction avec des sociétés privées qui vont monter les dossiers fournis à l'Hadopi, etc. Cela aura mérité le regard de la Commission des Lois. Elle aurait sûrement été étonnée des contenus du projet de loi.

Qu'attendez-vous des deux jours de débats ?

_ Pas grand-chose. La majorité va voter le texte, avec la moitié d'entre elle qui n'est pas convaincue.

D'autres points ont-ils été soulevés hier soir ?

_ MAM a reconnu que les gens pourraient refuser d'être jugés via l'ordonnance pénale, et demander à avoir une procédure traditionnelle, en droit commun. Ce qui veut dire encombrer les tribunaux. Aussi, concernant l'ordonnance, si vous allez dans le droit, cela n'est pas applicable aux mineurs. Or on entend dire que c'est la faute aux «méchants adolescents» qui téléchargent illégalement. Donc tout le dispositif ne fonctionne pas.

Pensez-vous que le texte a des chances d'être de nouveau censuré par le Conseil Constitutionnel ?

_ Soit il va être de nouveau retoqué, soit ça va être le choc du réel. Le texte pose des problèmes juridiques et des problèmes d'irréalisme. Et d'inapplicabilité.

Par exemple, il y a toutes les problématiques liées à l'adresse IP qu'aujourd'hui tout le monde connaît. Et aussi celles liées aux lieux professionnels, aux espaces collectifs, etc. Est-ce qu'on va fermer les cyber-cafés ?

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«Est-ce qu'on va fermer les cyber-cafés ? »

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Hier, Frédéric Mitterrand a déclaré vouloir lancer «une vaste consultation» des acteurs de la culture?

_ C'est tard. Le plus important est que la création est en souffrance et qu'il faut lancer un chantier autour de la question : comment finance t-on la création à l'heure des mutations technologiques et de l'évolution des mœurs ? Cela touche aussi bien le sujet des intermittents, que celui des loulous qui achètent des places de concert en masse pour les revendre ensuite, que la virtualisation de la musique.

Dans la loi DAVDSI, en 2006, déjà, un sénateur avait déposé un amendement pour créer une plate-forme gratuite et libre d'accès proposant toutes les œuvres libres de droits, du domaine public, mais aussi d'artistes qui le voudraient. Mais il n'y a jamais eu de décret. On vote des choses intéressantes, mais elles ne sont pas appliquées.

Aussi, il y a toute une nouvelle génération d'auteurs qui marchent autrement. Prenez le groupe Fanfarlo -- c'est génial, au passage -- ils proposent jusqu'au 4 juillet de télécharger leur disque, sur leur site, pour moins d'un euro. Ensuite, on pourra acheter le disque [et aussi le vinyl et une édition spéciale ndlr] au prix normal. Et je connais des tas de gens qui vont l'acheter ! Donc on n'est pas dans la prédation, dans le piratage.

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