Menu
Libération

Martyr d’Hadopi, bourreau de TF1 ?

Licencié mi-avril suite à son mail contre la loi, Jérôme Bourreau-Guggenheim a, selon nos informations, porté plainte hier contre la chaîne pour discrimination.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 30 juin 2009 à 11h25
(mis à jour le 30 juin 2009 à 11h31)

Cher Nonce Paolini, nous souhaiterions attirer votre attention quant à l'attitude ­déplorable de votre ex-employé, Jérôme Bourreau-Guggenheim. Selon nos informations, celui qui a été viré de TF1 sur dénonciation du ministère de la Culture après un mail à la députée UMP Françoise de Panafieu, a déposé plainte hier contre la Une au tribunal de grande instance de Nanterre. Motif : «Discrimination en raison des opinions politiques.» Ce que risque le PDG de TF1 Nonce Paolini ? Trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

«Faire le procès d'un système de connivence que tout le monde réprouve mais qui, au final, ne choque plus. Moi, j'aimerais bien que ça choque.» Voilà l'objectif de la plainte de Bourreau tel qu'il le confie à Libération .

Le 19 février, Bourreau écrit à sa députée, l'UMP Françoise de Panafieu, pour lui faire part de son désaccord avec la loi Hadopi, alors en débat à l'Assemblée nationale, et se présente : chef du pôle web et innovation de TF1 ( Libération du 7 mai). L'assistante parlementaire de Panafieu fait suivre l'e-mail au ministère de la Culture pour obtenir en retour un argumentaire afin de remettre Bourreau dans le droit chemin. Là, rue de Valois, le directeur adjoint du cabinet de Christine Albanel prend vapeur et envoie illico le mail à TF1. Le 3 avril, bing, Bourreau est convoqué pour un entretien préalable au licenciement. Le 16, il est dehors.

Le motif, TF1 l'écrit noir sur blanc : «Nous considérons cette prise de position comme un acte d'opposition à la stratégie du groupe TF1 dont l'adoption de ce projet de loi est un enjeu fort.» Et ce alors que jamais TF1 ne s'est exprimé en faveur d'Hadopi. Sauf une fois : en montrant dans un JT un hémicycle plein à craquer applaudissant l'adoption de la loi, alors qu'on ne comptait en réalité que trois pelés et un tondu.

Discrimination politique, plaide aujourd'hui Bourreau : «C'est TF1 qui m'a donné les arguments en écrivant que c'était un enjeu vital donc politique pour eux, alors que mon mail exprimait un avis technique.» L'affaire, au pénal, prendra du temps. Déjà engagé contre TF1 dans une action aux prud'hommes, Jérôme Bourreau-Guggenheim refuse de baisser les bras : «Donner son avis, c'est fondamental en démocratie, même si ça m'embarque pour plusieurs années, avec des coûts importants.»

Il voudrait voir dans sa plainte l'occasion de «déclencher un débat sur l'influence d'un média sur la société, ça va au-delà de mon histoire, je ne suis que le transmetteur ». Et l'influence de TF1, dont le propriétaire Martin Bouygues est un intime de Nicolas Sarkozy, n'est pas mince : «Ils sont puissants et puis ils nous divertissent, ça évite de réfléchir quand on regarde la Une.»

A lire également sur Ecrans.fr:

_ - Dénoncé par Albanel, viré par TF1

_ - Affaire Bourreau : Albanel suspend un de ses collaborateurs

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique