Maxime Rouquet : «Le Parti Pirate a sa place en France»

par Camille Gévaudan
publié le 22 septembre 2009 à 13h00
(mis à jour le 24 juin 2010 à 9h49)

Pour sa première participation à une élection législative, dans la 10e circonscription des Yvelines, le Parti pirate vient de remporter 2,08 % des voix exprimées -- un chiffre inespéré, même en considérant le faible taux de participation (moins de 23%). À cette occasion, le candidat Maxime Rouquet présente son parti, son programme et ses projets.

On parle beaucoup de l'émergence des différents partis pirates européens, de leur succès et de leurs résultats aux élections, mais finalement peu des sujets qu'ils défendent. Pouvez-vous nous présenter vos convictions et votre programme ?

_ Merci de nous interroger sur ce sujet. Les Partis pirates du monde entier (il y en a une trentaine actuellement) ont tous le même programme. La déclaration de principe du Parti pirate suédois, que nous avons traduite et adaptée pour la France , résume notre programme ainsi : «Préserver les droits des citoyens, libérer la culture, dénoncer brevets et monopoles privés, qui nuisent aux intérêts de la communauté mondiale.»

Notre programme, qui propose de décriminaliser et légaliser les échanges de biens culturels hors transactions commerciales, est souvent caricaturé en «pour le téléchargement illégal». Mais notre réflexion va bien au-delà. Sur notre site de campagne, nous incluons dans notre programme la défense des libertés individuelles, du respect de la vie privée et du droit à la confidentialité des communications et des données personnelles, et la défense de la neutralité du réseau. Nous demandons également la reconnaissance et la protection d'un Droit à la Culture, proposons de redéfinir la notion de Propriété Intellectuelle et de promouvoir des modèles de création et de production coopératifs et communautaires. Le programme du Parti pirate compte enfin une réforme de la brevetabilité du vivant et des brevets logiciels.

De nombreux internautes aux opinions pourtant proches de celles du Parti pirate lui reprochent de limiter son programme aux seules questions des libertés sur Internet et des brevets. L'élargissement du programme est-il en projet ?

_ Ce programme est plus large que la simple légalisation des échanges de fichiers sur Internet. Nous défendons par exemple la vie privée, les libertés d'expression et de communication, ou encore la présomption d'innocence qui sont mises à mal par la politique actuelle, que ce soit avec la loi HADOPI ou avec d'autres qui n'ont parfois rien à voir avec Internet ou la propriété intellectuelle…

Un témoignage citoyen illustre bien cela : il s'agit d'une jeune femme, accusée d'infraction au code de la route sur la base de la photo d'un radar. Le véhicule ressemble au sien et la plaque d'immatriculation, fausse, porte son numéro. Elle est maintenant poursuivie en justice et a beaucoup de difficultés pour prouver son innocence. C'est un aspect de la loi que le Parti Pirate condamne. Au passage, on retrouve la même problématique avec l'adresse IP utilisée dans la loi HADOPI, sachant qu'une IP se falsifie beaucoup plus facilement qu'une plaque minéralogique… De la même manière, la plupart des lois abordent plusieurs sujets sur lesquels le Parti Pirate s'exprime.

Néanmoins notre programme n'est pas figé. Nous choisissons de ne nous prononcer que sur les sujets que nous maîtrisons, et si pour le moment nous n'avons pas de membres qualifiés pour juger sur des sujets trop éloignés des nouvelles technologies, de la vie privée, ou encore de l'accès à la culture, nous prévoyons d'étendre certains de nos thèmes bien au-delà d'Internet.

Par exemple, nous considérons que le contrôle de la distribution des œuvres par quelques majors est pénalisant pour les artistes, et notre connaissance des nouvelles technologies et des possibilités d'Internet nous permet de l'affirmer en toute connaissance de cause. Mais lorsque nous entendons des petits producteurs se plaindre des tarifs très bas auxquels ils vendent à la grande distribution, et que nous constatons les bénéfices que réalisent ces grands groupes, nous y voyons une similitude.

Comme nous sommes des citoyens sensibilisés aux problèmes liés à Internet et au droit d’auteur, nous ne pouvons pour le moment nous prononcer en toute connaissance de cause. Mais avec le temps et tous ceux qui le rejoindront, le Parti Pirate élargira son domaine de compétence à d’autres thèmes, et se penchera par exemple sur le contrôle de la distribution.

Nous avons récemment évoqué , sur Ecrans.fr, la relation entre les différents Partis pirates en France. Un grand flou subsiste autour des rapports qu'entretiennent le Parti pirate réunifié et le Parti pirate français. Leur coexistence est-elle due à une divergence d'opinions ? Y a-t-il un dialogue entre les deux partis, voire même des projets de rapprochement à plus ou moins long terme ?

_ Nous sommes en contact avec Rémy Cérésiani, mais le dialogue est assez difficile. Nous sommes prêts à accueillir tous ceux qui le souhaitent au Parti pirate ; j'en suis moi-même un exemple puisque je l'ai rejoint il y a quelques semaines à peine. Mais Rémy Cérésiani souhaite que tous les Partis pirates le rejoignent lui.

Nous, nous sommes en contact avec les autres Partis pirates du monde entier, notamment par l'intermédiaire du Parti Pirate International où mon suppléant Laurent Le Besnerais nous représente. Nous sommes les plus anciens, et nous avons été surpris par la démarche de Rémy Cérésiani de créer son Parti pirate français au lendemain (littéralement) du très bon résultat des suédois aux européennes. Et plus surpris encore lorsqu'il a appelé les mouvements pirates à se réunir et à le rejoindre quelques jours plus tard…

Certains actes du PPF nous ont donné une lueur d'espoir, comme son soutien à notre candidature dans les Yvelines. En revanche, d'autres nous semblent d'une honnêteté douteuse, comme son appel aux adhésions qui a confondu certains de nos sympathisants, et son silence lorsqu'ils réclament le remboursement.

Les idées du Parti pirate français sont les nôtres, nous n'avons pas de problème avec. En revanche, nous pensons que son existence ne fait que desservir la cause pirate en France, et nous renouvelons notre appel aux membres du Parti pirate français qui ne nous ont pas encore rejoint à le faire. Nous avons de la place pour tous. Nous sommes ouverts à un rapprochement avec tous ceux qui partagent nos idées. Mais ce n'est pas à nous de rejoindre le PPF.

Qu'allez vous faire du bon score remporté à la législative partielle ?

_ Nous sommes très satisfaits de notre résultat. Pour un parti qui était pratiquement inconnu il y a trois semaines, et qui a fait campagne sans tracts ni affiches, c'est un résultat historique. D'autres partis pirates qui aujourd'hui ont des élus jusqu'au Parlement Européen, comme ceux de la Suède et de l'Allemagne, ont commencé avec des scores plus modestes aux élections législatives (0,6% pour les suédois, 0,3% pour les allemands).

Nous nous apprêtons à ouvrir les adhésions, ce qui nous donnera plus de moyens pour défendre les idées du Parti Pirate et pour les prochaines campagnes.

Quelles sont les prochaines échéances du Parti pirate ?

_ Nous allons tout faire pour présenter des candidats à toutes les élections où nous le pourrons. Nous nous intéressons bien évidemment aux régionales, ce qui nous donnera l'occasion de nous exprimer aussi sur des problématiques locales (comme l'implantation de caméras de surveillances, le parc culturel avec les bibliothèques, théâtres, cinémas et leur accessibilité…).

Nous sommes actuellement limités par nos moyens, mais l'ouverture prochaine des adhésions devrait y remédier. Nous avons besoin que le plus de monde possible vienne nous soutenir et pourquoi pas défendre les idées du Parti Pirate. Nous sommes avant tout des citoyens, et le Parti Pirate est ouvert à tous.

Vous représenterez-vous, personnellement ?

_ Pour le moment, je n'y songe pas. Il y a beaucoup trop à faire avant de réfléchir à de prochaines élections. Je n'ai pas agi dans une démarche politicienne, et au passage je regrette d'avoir été le centre de l'attention alors que cette campagne était avant tout un travail d'équipe, à commencer par mon suppléant Laurent Le Besnerais qui s'est investi encore plus que moi durant ces trois semaines. Je défendrai toujours les idées du Parti pirate, et je serai prêt à le faire comme candidat, mais aussi comme militant si des candidats plus talentueux nous rejoignent. Et nous pouvons l'espérer, maintenant que nous avons prouvé que le Parti Pirate avait sa place en France.

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