MegaUpload: l'accusation joue la montre

par Sophian Fanen
publié le 10 juillet 2012 à 14h01

L'audience d'extradition du fondateur du site internet MegaUpload, réclamé par les Etats-Unis pour blanchiment d'argent, racket et infractions multiples au copyright, ne se tiendra pas avant le 25 mars 2013, a-t-on appris ce matin. Elle était prévue initialement du 6 au 8 août.

La justice néo-zélandaise doit y examiner la demande d'extradition déposée par les Etats-Unis après la fermeture des sites du groupe Mega et la saisie des biens de Kim «Dotcom» Schmitz le 19 janvier dernier. Les Etats-Unis accusent les responsables du site d'avoir tiré 175 millions de dollars américains (142 millions d'euros) d'activités criminelles et causé un préjudice de 500 millions de dollars aux détenteurs des droits en proposant des copies de films de cinéma, de programmes télévisés et d'autres contenus. Kim Schmitz encourt une peine allant jusqu'à 20 ans de prison s'il est un jour jugé aux Etats-Unis -- ce qui est de moins en moins sûr. Jusqu'à nouvel ordre, lui et ses co-accusés restent assignés à résidence en Nouvelle-Zélande.

Le délai supplémentaire a été justifié par la nécessité d'entendre à nouveau de nombreuses personnes après le coup de théâtre judiciaire survenu fin juin, lorsqu'une juge de la Haute cour du pays a estimé que la perquisition policière au sein du luxueux manoir de Kim Dotcom, à Auckland, était illégale. En cause notamment, des mandats trop vagues fournis par la police ce jour-là.

Dans le volet américain de l'affaire, les avocats de MegaUpload ont par ailleurs déposé devant la cour américaine d'Alexandria (Virginie) une «requête en annulation» des charges. Selon eux, l'action de la justice américaine n'est pas légale, étant donné que l'entreprise ne disposait ni d'une adresse ni d'un représentant sur le territoire américain. Une nouvelle audience consacrée à cette requête est prévue pour le 27 juillet.

Les représentants de la justice américaine et néo-zélandaise ont refusé de commenter le report des audiences d'extradition.

Kim Dotcom a pour sa part réagi sèchement, s'exprimant dans un premier temps sur son compte Twitter, qu'il a beaucoup utilisé ces dernières semaines pour se moquer des enquêteurs américains empêtrés dans le dossier et annoncer «le retour» prochain du groupe Mega aux affaires. Selon lui, le nouveau délai imposé est «une sale tactique des Américains. Ils ont détruit mon business, saisi tous mes biens. Le temps fait le reste.» Une heure plus tard, il a également accusé John Key, actuel Premier ministre néo-zélandais, de «refuser à un résident [du pays] un procès et une défense juste» . L'audience du 6 août était devenue ces dernières semaines l'objectif médiatique principal de l'équipe qui défend MegaUpload.

Finalement joint par le site du Hollywood Reporter , Kim Dotcom a estimé que «le ministère [américain] de la Justice sait qu'il n'a pas de dossier [suffisamment solide]. S'ils sont obligés de produire ce qu'ils ont, il n'y aura pas d'extradition. [...] S'ils avaient un dossier, ils n'auraient pas besoin de le cacher.»

Dans une interview donnée récemment au blog Torrent Freak, son canal habituel, Kim Dotcom avait également à nouveau accusé l'actuel vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, d'avoir personnellement manœuvré pour faire chuter MegaUpload, lors d'une réunion à la Maison Blanche en juin 2011.

«Après avoir reçu des informations d'une source initiée, raconte Kim Dotcom, nous avons scanné les listes des visiteurs à la Maison Blanche [qui sont publiques, ndlr] pour retrouver toutes les réunions entre Chris Dodd [ancien sénateur et actuel patron de la MPAA, le lobby du cinéma, ndlr] et d'autres patrons de studio avec Joe Biden et Obama. Il est intéressant de constater qu'un homme nommé Mike Ellis, de la branche asiatique de la MPAA, ainsi qu'un expert en extradition et l'ancien directeur de la police de Hongkong, ont également participé à une réunion avec Dodd et Joe Biden. Le même Mike Ellis a [plus tard] rencontré le ministre de la Justice néo-zélandais Simon Power.»

Des rencontres qu'aucun des acteurs ne nie, mais qui mêlent politique et intérêts industriels à un niveau qui nourrissent la ligne de défense du groupe Mega, qui accuse les lobbys de la musique et du cinéma d'avoir télécommandé les attaques de la justice fédérale américaine contre MegaUpload.

(Avec AFP)

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