Michel Polac ne répond plus

publié le 7 août 2012 à 18h28
(mis à jour le 7 août 2012 à 21h08)

Michel Polac, mort aujourd'hui à l'âge de 82 ans, est célèbre pour avoir inventé le talk-show polémique à la télévision, avec l'émission culte Droit de réponse, mais il était aussi un passionné de littérature, un écrivain et un cinéaste. Selon sa famille, il est mort «d'épuisement après plusieurs maladies» .

Le président de la République a salué «l'exemple d'un homme libre» , tandis que la ministre de la Culture voit en Michel Polac «un authentique pionnier de la télévision [...], une personnalité forte, un contestataire souvent contesté, qui impressionnait par sa verve et son humour décapant, mais aussi par sa passion pour le livre et sa capacité à défendre les nouveaux talents» .

Né à Paris en 1930 dans une famille bourgeoise, d'un père «juif et pétainiste» , disait-il, Michel Polac débute très jeune à la radio. Animateur et producteur à 21 ans à la Radiodiffusion télévision française (RTF) devenue ORTF, il y crée notamment, avec François-Régis Bastide, le Masque et la Plume en 1955, qu'il animera jusqu'en 1970. Il présente aussi plusieurs émissions littéraires à la télévision et sera un temps critique dramatique et chroniqueur au journal Arts (1953-64), puis critique littéraire à l'Express .

Mais c'est en 1981 qu'il se fait connaître du grand public avec la création de «Droit de Réponse» sur la Une, alors chaîne publique. Il y dénonce à travers des confrontations houleuses, parfois musclées et souvent bien arrosées, les scandales du moment -- de l'immobilier à la politique en passant par le sport et les médias. Le magnat Robert Hersant quittera furieux le plateau, Coluche y fera en petite tenue sa campagne présidentielle et l'équipe de Charlie Hebdo y annoncera la fin de l'hebdo, avant sa renaissance quelques années plus tard.

Le 2 janvier 1982, dans Droit de réponse, consacré à la disparition de Charlie Hebdo, une dispute éclate entre le journaliste de Minute Jean Bourdier et des membres de l'équipe de Charlie, dont Siné, le professeur Choron et Cavanna.

Dans la même émission, Michel Polac reçoit Renaud et Gainsbourg pour parler des nouvelles générations et des "petits lycéens de merde".

Michel Polac, fumeur de pipe ronchon et révolté, incarne dans l'émission l'arbitre des conflits, donnant la parole et la reprenant ( «Tout le monde a le droit de parler, même ceux qui n'ont rien à dire» , disait-il), souvent dans une joyeuse pagaille qui envahissait le plateau de télévision décoré en bistrot parisien.

Droit de réponse durera près de sept années, émaillées de nombreux procès, jusqu'à ce qu'en avril 1987, le gouvernement Chirac privatise TF1 en choisissant le groupe Bouygues. En septembre de la même année, Michel Polac et ses invités mettent violemment en cause la Commission nationale de la Communication et des Libertés, ancêtre du CSA. Huit jours plus tard, refusant de prononcer les excuses exigées par Francis Bouygues, l'animateur franchit la ligne jaune et lit à l'antenne et en direct la légende d'un dessin de Cabu: «Une maison de maçon, une télé de M...» TF1 le licencie, la presse de l'époque considérant que la CNCL a «eu sa peau» . «Polac coulé dans le béton» , titre à l'époque Libération .

TF1 affirme alors que «le principe de ce type d'émission n'est pas remis en cause» , mais elle ne reverra pour autant jamais le jour. Michel Polac devient ensuite chroniqueur pendant dix ans à l'Evénement du jeudi et anime l'émission Libre et change jusqu'en 1989 sur M6. Collaborateur de France Inter jusqu'en 2005, il a aussi tenu une rubrique régulière dans Charlie Hebdo , et avait fait un bref retour à la télévision en 2006 en tant que chroniqueur dans l'émission On n'est pas couché, sur France 2.

Michel Polac a défendu la télévision en direct tout au long de sa carrière. Montage INA.fr.

Auteur à la plume alerte mais souvent sombre, Michel Polac laisse une œuvre écrite très sensible, ses détracteurs le qualifiant quant à eux de masochiste. Lui-même aime entendre dire de lui qu'il est anarchiste, malgré sa mise soignée de gentleman farmer, veste en tweed et foulard.

Il a notamment publié la Vie incertaine en 1956, et en 2000 des extraits de son journal intime couvrant la période 1980-1998. Il est aussi revenu sur son enfance et ses petites blessures dans Maman, pourquoi m'as tu laisser tomber de ton ventre? (2000). A 70 ans Michel Polac y déclarait s'être «désintoxiqué» de la lecture quotidienne des journaux: «Submergé par les nouvelles de l'extérieur, on perd de vue les nouvelles de l'intérieur.»

L'homme était réputé chaleureux malgré son humour froid, et ses proches admiraient la constance de son esprit critique, sans compromis jusqu'à l'extrême. En 2005, après moult allers et retours à France Inter, il est remercié de sa participation chaque jeudi dans Charivari . Michel Polac se déclare alors «amer bien que blasé pour avoir été viré tant de fois» .

Le 17 juin 1989, Bernard Rapp reçoit Michel Polac, qui souhaite arrêter Libre et change, son émission littéraire diffusée sur M6 et se retirer définitivement du petit écran.

Il aura aussi tâté du cinéma avec une petite vingtaine de films à son actif, dont son Autoportrait en vieil ours en 1998, Un fils unique (prix Georges-Sadoul 1970) et Monsieur Jadis (1975). Il est aussi passé devant la caméra au moins à deux reprises, en 1997 dans Post coïtum, animal triste de Brigitte Roüan et en 2005 dans Imposture de Patrick Bouchitey où il jouait le président du jury d'un prix littéraire. Il a enfin produit et réalisé des documentaires, notamment sur Céline .

Celui qui disait volontiers «bouffer du curé» écrivait en 1989: «Je voudrais devenir un trappiste laïc, que le silence finisse par éteindre le volcan en moi.»

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En 2000, Libération consacrait un portrait à Michel Polac, à l'occasion de la publication de son journal intime.

À lire également:

_ Riche et célèbre : Les apostrophes de Polac

_ Cinquante ans à voler dans les plumes , un reportage publié en novembre 2005 à l'occasion du cinquantenaire de l'émission de radio créée par Michel Polac.

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(AFP)

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