Skype : Microsoft a-t-il complètement craqué ?

par Camille Gévaudan
publié le 10 mai 2011 à 17h30

Pas de chance, Reuters... Alors que l'agence de presse croyait avoir flairé Facebook et Google sur la piste de Skype , la semaine dernière, c'est finalement un tout autre géant qui a dégainé son chéquier. Maousse, le chéquier : pour s'approprier le service de voix sur IP, Microsoft a déboursé la somme astronomique de 8,5 milliards de dollars (presque 6 milliards d'euros).

Depuis que Skype a quitté le giron d'eBay, en 2009, les spéculations sur un nouveau rachat sont toujours allées bon train. Mais le montant dévoilé cette nuit explose allègrement les paris les plus délirants : il s'agit tout simplement de la plus grosse acquisition jamais réalisée par Microsoft. Comment le petit logiciel de téléphonie a-t-il réussi à ouvrir ainsi l'appétit des plus puissants groupes de l'informatique ? N'aurait-il pas été surévalué, comme on se le demande sur les sites d'information spécialisée comme Techcrunch ? Et que peut-il apporter à Microsoft ?

Pour Steve Ballmer, directeur général du groupe, c'est simple comme un bisounours : «Skype est un service phénoménal adoré par des millions de gens dans le monde. Ensemble, nous créerons l'avenir des communications en temps réel pour que les gens restent facilement connectés à leur famille, leurs amis, leurs clients et leurs collègues partout dans le monde.» Cool story, bro.

C'est déjà sur «l'avenir des communications en temps réel» qu'eBay avait parié en 2005. Le service comptait alors 60 millions d'utilisateurs, qui pouvaient non seulement discuter par tchat vidéo, mais aussi et surtout appeler n'importe quel «vrai» numéro de téléphone depuis leur ordinateur en payant une communication à prix cassé. Le roi des enchères en ligne imaginait Skype en plein boom, et rêvait d'un succès si éclatant que les 2,6 milliards de dollars investis dans son rachat auraient vite été rentabilisés. Mais le doute s'est rapidement installé. En 2007, «déçu que Skype n'ait pas marché aussi bien que prévu dans certains secteurs» et ne génère que 5% de son chiffre d'affaires, eBay a revu sa valeur à la baisse et tiré un trait sur les rallonges prévues (qui pouvaient porter le montant total à 4,1 milliards de dollars). Finalement, eBay a profité d'une cure d'amincissement pour revendre 70% du capital à un consortium comptant les fondateurs originels de Skype parmi ses membres. À l'heure de la transaction, vue par beaucoup de commentateurs comme une «reprise d'indépendance», Skype a été évalué à 2,75 milliards de dollars.

Depuis ce jour, Skype a préparé sa future entrée en bourse et porté une attention toute particulière aux nouvelles possibilités offertes par les smartphones : les applications pour iPhone et Android cartonnent, et bénéficient d'une qualité de vidéo aux petits oignons. Le nombre de minutes de communication consommées par les utilisateurs a augmenté de 150% sur les 18 derniers mois. Alléché, Google semble lui avoir collé aux basques depuis quelques mois et proposait un montant de 4 milliards de dollars selon les informations de Techcrunch . Microsoft, tenu à l'écart de cette négociation, a plus que doublé la mise. Derrière cette folie financière, on comprend que l'enjeu stratégique est de rattraper le retard de Microsoft sur le marché de la téléphonie mobile en boostant le sex-appeal des Windows Phone, face aux leaders du moments, Apple et Android, qui proposent tous deux des services de visioconférence.

Sur le même sujet :

- Allo Facebook, ici Google, on Skype ? (6 mai 2011)

- Téléphonie : Google sur la piste de Skype ? (19 novembre 2007)

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