«Qu’aurait fait Microsoft si la cour de justice lui avait donné raison ?»

par Christophe Alix
publié le 17 septembre 2007 à 16h06

En mars 2004, la Commission Européenne avait condamné Microsoft à payer une amende de 497 millions de dollars pour abus de position dominante. Une décision confirmée aujourd'hui par la cour de justice de Luxembourg.

Cette décision sanctionne particulièrement deux agissements de la firme de Redmond : le manque de transparence et de documentation dans le domaine des groupes de serveurs, limitant l'interopérabilité et le développement d'applications de la part de concurrent, et la présence par défaut du lecteur Windows Media Player avec le système d'exploitation Windows.

François Lévêque est professeur d'économie à l'école des Mines de Paris. Ce spécialiste du droit de la concurrence réagit à la décision de la Cour de justice de Luxembourg.

Qu'est-ce que cette décision va changer pour Microsoft?

_ Pas mal de choses. Ils vont réfléchir à deux fois avant d'intégrer d'office une nouvelle application à Windows. Et puis ils se sentiront obligés de donner plus d'informations sur leurs interfaces à un concurrent qui en ferait la demande afin de développer des produits compatibles ou interopérables avec Windows.

De là à permettre plus de concurrence et donc d'innovation comme le voudrait la Commission, il y a de la marge, non?

_ C'est justement à la marge que les choses peuvent commencer à changer. Si je suis un développeur et que j'ai une idée géniale, jusqu'à aujourd'hui on pouvait se dire « pas la peine d'essayer quelque chose avec Windows, ça ne marchera pas ». Là, les choses peuvent changer, je sais que Microsoft sera désormais obligée de me communiquer ses informations et ne pourra plus continuer à faire le malin en invoquant sa propriété intellectuelle, ses brevets, etc. Bref, si les concurrents sont confortés par un nouvel environnement juridique, l'innovation peut s'en trouver stimulée.

La suprématie de Microsoft ne va pas pour autant être remise en cause...

_ Ce n'est pas la question mais raisonnez a contrario. Qu'aurait dit ou fait Microsoft si la cour de justice lui avait donné raison? Ils auraient plus que jamais bétonné leurs informations en limitant leur accès sauf accords particuliers, en invoquant leur propriété intellectuelle reconnue par la justice européenne, en brevetant à tout va, etc. Là l'environnement juridique devient clairement plus favorable à la concurrence.

Cette décision peut-elle avoir des répercussions hors de l'Union Européenne où elle va s'appliquer?

_ Le marché des logiciels est un marché mondial, leur distribution se fait de plus en plus via l'Internet et dans ces conditions on imagine mal que cette décision n'ait pas d'effets, notamment en Asie où Microsoft reste sous le coup de plusieurs enquêtes pour abus de position dominante.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus