Murdoch menace, Google s'en moque

par Camille Gévaudan
publié le 10 novembre 2009 à 17h38

«Les gens qui se contentent de tout récupérer et de le publier tel quel, qui volent nos histoires -- nous considérons qu'ils volent nos histoires...» Dans l'interview qu'il a accordée ce week-end à Sky News Australia , Rupert Murdoch ne mâche pas ses mots. Mais de qui parle-t-il ? «Ces gens, c'est Google, c'est Microsoft, c'est Ask.com, plein plein de monde... Ils n'auraient pas dû avoir ça gratuitement depuis tout ce temps.» Ah, oui, encore les moteurs de recherche. L'accusation n'est pas nouvelle, mais simplement réitérée. Ces derniers mois, l'empereur de la presse avait déjà traité de Google de «kleptomane» et de «parasite» en évoquant l'indexation par le Google News des contenus de News Corp.

Dans la majorité des cas, le portail d'actualités du moteur de recherche est loin de «tout récupérer» des articles de presse. Scannant les sites Internet de journaux, chaînes de télévision ou sites d'informations pure player , il récupère le titre et les trois premières lignes de leurs articles pour les afficher, regroupés par sujet, sur news.google.com . Le contenu récupéré correspond donc toujours à un extrait très bref et le moteur de recherche s'appuie sur les règles américaines dites du «fair use» , exception au droit d'auteur plus ou moins équivalente au droit de citation français. Règles que Murdoch compte d'ailleurs aller «contester dans les tribunaux» , un de ces jours.

Mais, lui demande le journaliste plein de bon sens de Sky News Australia , pourquoi alors ne pas retirer les sites de News Corp de l'index de Google ? «Je pense qu'on le fera , répond Murdoch, mais au moment où on commencera à faire payer tous les sites. On l'a déjà fait avec le Wall Street Journal. On a mis un mur, mais qui ne va pas jusqu'au plafond. Vous pouvez lire le premier paragraphe de chaque article mais si vous ne payez pas l'abonnement à WSJ.com, vous n'avez accès qu'au formulaire d'abonnement après l'introduction.» Les internautes passant par la page d'accueil du site pour lire un article payant tombent, en effet, sur un formulaire d'abonnement. Mais, suite à un accord conclu entre le Wall Street Journal et Google, ceux qui cherchent le même article via Google News sont redirigés vers une page l'affichant dans sa version complète. C'est l'accord du « premier clic gratuit ». Sa limite, le «piège» qui consiste à ne proposer que le premier article gratuitement et réclamer un abonnement à chaque clic sur un autre lien du journal, peut être aisément contournée en retournant sur Google News pour taper le titre de n'importe quel autre article.

La situation est donc encore plus délicate que ce qu'en a compris Rupert Murdoch, mais la solution est également bien plus simple qu'il n'y paraît. Un porte-parole de Google a immédiatement fait savoir que «les éditeurs de presse ont un contrôle complet sur la façon dont leurs contenus apparaissent dans les résultats de recherche. S'ils nous disent ne pas vouloir inclure leurs articles, nous ne le faisons pas. Et s'ils veulent les retirer de Google News spécifiquement, il suffit de nous le demander» . Et par «demander» , il n'entend même pas passer par une procédure officielle mais simplement rajouter deux petites lignes dans le code source des sites. Le fichier robots.txt , stocké sur les serveurs de sites Internet, est précisément prévu pour ce type de consignes : toutes les instructions qu'il contient sont interprétées par les robots référenceurs des moteurs de recherche. «User-agent: *» et «Disallow: /», et l'affaire est réglée. Plus de Fox , plus de Wall Street Journal , plus de Sky News , plus de Sun , plus de Times . L'empire Murdoch sera invisible aux yeux de Google, Bing et Ask.com. Si la menace n'a toujours pas été mise à exécution, c'est peut-être que la source de trafic représentée par ces trois sites est considérable et qu'un retrait de leur base de données reviendrait, selon le Guardian , à se tirer une balle dans le pied.

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